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Chroniques
José Manuel López López
Quatuors à cordes n°1 et n°2 – Trio avec piano
Enregistrées en janvier 2023 en la salle Mozart de Saragosse, ces trois opus pour cordes du compositeur madrilène bénéficient de l’expérience du Quatuor Arditti. La formation est d’ailleurs le commanditaire du Quatuor à cordes n°1, créé l’année même de sa composition, le 6 mai 2007, au Palais des arts de Valence. La profusion d’évènements, tous prestes et dont la survenue s’effectue en fort peu de temps, nécessite une écoute, comme c’est sans doute le cas de son exécution, extrêmement concentrée. Des jeux très inventifs sur la perceptions et la temporalité dans laquelle elle opère rend compte d’une imagination musicale fort puissante. Complexité métrique, raffinement des timbres via des modes de jeu richement diversifiés, moments de fausse inertie extatique, nuance parfois aux confins du silence, tout concourt à faire des vingt-deux minutes de l’œuvre un terrain expressif inépuisable : celui, personnel, de José Manuel López López (né en 1956) [lire nos chroniques de L’art de la sieste et d’Haikus del mar].
Commandé par l’Ernst von Siemens Musikstifftung pour le Trío Arbós qui lui donna le jour le 23 mai 2008 dans la même cité espagnole, Trio III « reflète mon intérêt pour l’univers des particules et des textures », précise le musicien (notice du CD – notre traduction), « les densités et leurs interactions polyphoniques, leur alignement avec les relations qui émanent des vides cosmiques et quantiques que nous traversons ». Nous retrouvons le premier violon et le violoncelle des Arditti, soit Irvine Arditti et Lucas Fels, rejoints par le pianiste Alberto Rosado. Durant un peu plus d’un quart d’heure sont explorées des textures nouvelles, certaines complémentaires, d’autres contrastées, voire opposées, dans une accumulation de strates, également définies rythmiquement, qui avancent par glissements. Une technique spécifique vient colorer le piano, en fin de parcours, qui autorise une distorsion de l’accord de l’instrument, habituellement impossible. Là encore, la finesse de l’écriture timbrique est notable, qui ne dédaigne en rien des apports bruitistes.
À Madrid, le 11 mai 2020, le Quatuor Arditti devait créer le Quatuor à cordes n°2 de López López, intitulé Infinita Domenica et commandé par le Centro Nacional de Difusión Musical avec l’Instituto Nacional de las Artes Escénicas y de la Música. Ce dimanche infini évoque le confinement induit par la pandémie de SARS-CoV-2, l’angoisse ainsi généré pour tous, de sorte que l’on peut aujourd’hui considérer qu’il y a un avant-Covid et un avec-Covid (il ne s’agit pas vraiment d’un après). « Nombre d’entre nous se sont plongés dans le travail, vers une terra incognita » (même source). La pièce connut finalement sa première près d’un an après la date initialement prévue, étant donné l’état de l’activité de concert en Europe à ce moment-là. Et ce fut une nouvelle fois à Valence. En magicien du son, le compositeur a généré un matériau fécond dont l’effet est favorisé, pour commencer, par une distance particulière entre chaque instrumentiste. Puis les officiants se rejoignent, tandis qu’une autre idée est expérimentée : la « relation des tempi et des fondamentaux spectraux avec les harmoniques correspondantes, afin d’établir une sorte de gravité harmonique ». Même au disque, l’extrême sophistication du résultat stimule indéniablement l’écoute.
BB