Chroniques

par laurent bergnach

José Sevenants
pièces pour piano

1 CD Production Marc Danval (2014)
MD 1
José Sevenants | pièces pour piano

Sans faire de recherches approfondies en bibliothèque – et feuilleter, entre autres choses, sa célèbre méthode intitulée Le mécanisme pianistique contemporain –, on se renseigne avec difficulté sur le compositeur belge José Sevenants (1868-1946). Il faut donc emprunter largement à la notice de ce disque pour dresser un portrait de l’homme public et privé.

Le musicien a étudié au conservatoire de Bruxelles : le piano avec Arthur De Greef (1862-1940) – salué par Grieg comme le meilleur interprète de sa musique, il fut également le dernière élève de Liszt à Weimar –, l’harmonie avec le violoniste et chef d’orchestre international Joseph Dupont (1838-1899), ainsi que le contrepoint avec Hubert-Ferdinand Kufferath (1818-1896) – lui-même élève de Mendelssohn. En 1891, José Sevenants remporte son Premier Prix de piano, se produit en concert et enseigne à son tour la pratique de l’instrument entre 1920 et 1933.

Spécialiste de jazz et homme de radio à l’origine de cette sortie discographique, Marc Danval connut son grand-père compositeur moins d’une dizaine d’année ; suffisamment pour voir entouré de personnalités artistiques celui que ses nombreux élèves adoraient (André Dumortier, premier vainqueur du Concours Reine Élisabeth alors appelé Concours Eugène Ysaÿe, Oscar Delvigne, Frans Constant, Marcel Poot, Stan Brenders, etc.). Marc Danval décrit son aïeul comme « enthousiaste de nature, profondément bon, créatif en permanence ».

Son « activité folle » se traduit par une production importante, notamment pour le clavier. On n’entendra pas ici Le jardin enchanté, Humoresque, Pan et les Nymphes, Fleurs rouges, Tocatelle ou encore Valse bizarre, mais sept autres pièces dont la date de conception ne nous est pas donnée. La Bruxelloise Mouna Ghafir (née en 1974) les délivre dans une ambiance feutrée, un rendu qui laissent imaginer quelque vénérable piano de salon d’une couleur oubliée (aigu malingre, grave solide), joué à l’écart de la ville.

Suite à l’écoute d’Arabesque n°1, teinté d’un « impressionnisme » debussyste peu hostile à l’ornementation outrancière, Arabesque n°2 apparaît moins audacieuse, certes, mais aussi plus mûre, comme dans l’acceptation de sa nature plaisante et bourgeoise. Bornée par un héritage de la chanson traditionnelle et folklorique, la plus longue pièce du programme (7’54) affirme en son cœur l’influence allemande, celle de Schumann ou celle de Mendelssohn dans ses Lieder ohne Worte.

Avec son balancement champêtre digne d’une barque ou d’une escarpolette entre lac et sous-bois, Eglogue laisse place au triptyque Impressions de campagne en été : proche de Fauré, Poème sylvestre offre un plaisant miroitement, Dimanche soir au village livre une ambiance vespérale impressionniste tandis que Le moulin ensoleillé, radieux et retenu, séduit autant qu’il intrigue par le sentiment de mystère et de béatitude qui en sourd. Ne dépassant pas les trois quart d’heure, l’enregistrement s’achève avec l’entêtante Tarentelle (pour les pêcheurs de Chioggia) à l’entrain étrangement policé, teintée d’échos de comptine.

LB