Chroniques

par laurent bergnach

Josef Suk
pièces pour quatuor à cordes

2 CD CPO (2014)
777 652-2
Le Quatuor Minguet joue Josef Suk (1874-1935)

Éduqué non loin de la rivière Vltava par une famille de mélomanes (orgue, violon, piano), puis élève de Dvořák dont il épouse la fille Otilie en 1898, Josef Suk (1874-1935) étudie de longues années au conservatoire de Prague (1885-1892). Juste avant la fin de celles-ci, avec Karel Hoffmann, Oskar Nedbal et Otakar Berger – dont les deux premiers suivirent, comme lui, l’enseignement du violoniste Antonín Bennewitz –, il fonde le Quatuor Bohémien qui devient le Quatuor tchèque après 1918. Au cœur de cette formation réputée, active de 1891 à 1934, Suk occupe la place de deuxième violon et défend notamment les pièces de son beau-père comme celle de Smetana et Janáček [lire notre critique du CD Quatuor Artemis].

De fait, comme créateur occupé à « donner le juste visage à [s]on désir de beauté et de perfection », Suk privilégie la musique de chambre, sans toutefois négliger l’orchestre – les célèbres Praha (1904), en hommage à sa ville chérie, et Asraël (1906), marquée par la mort du père de Rusalka [lire notre chronique du 24 janvier 2014] et par celle d’Otilie. Ce double enregistrement en donne un aperçu, avec trois pièces d’une demi-heure jouxtant cinq pages plus courtes : Mouvement de quatuor en si bémol majeur, Menuet en sol majeur, Ballade en ré mineur, Barcarolle en si bémol majeur et Méditation sur un vieux choral tchèque « Saint Venceslas ».

Influencé par Brahms, son dédicataire, qui encouragea l’édition de la Sérénade pour cordes Op.6 (1892), le Quintette avec piano en sol mineur Op.8 (composé en 1893, publié en 1915) comporte quatre mouvements vigoureux pour la plupart, d’une allégresse un peu mélancolique teintée d’éléments folkloriques. L’Adagio (Religioso) y fait figure de respiration lyrique et tendre, malgré son emportement central. Matthias Kirschnereit accompagne ici le Quatuor Minguet, né à Cologne en 1988, que composent aujourd’hui Ulrich Isfort, Annette Reisinger, Aroa Sorin et Matthias Diener.

Trois ans plus tard, le Quatuor en si bémol majeur Op.11 n°1 (1896/1915) voit le jour, pour le moins enjoué, à l’exception d’un Adagio ma non troppo multi-facettes (lancinance, inquiétude, apaisement, etc.), qui contraste avec les Allegro moderato et Tempo di marcia monochromes d’introduction. Enfin, les Minguet interprètent le Quatuor Op.31 n°2 (1912). Parfois aux confins de la tourmente, l’inquiétude initiale du premier mouvement finit par s’évanouir, annonçant la tranquillité un rien joyeuse, voire virevoltante, du deuxième et celle, plus recueillie, du troisième, échevelé pour finir. Quant à elle, l’ultime section revendique un entrain bridé.

LB