Chroniques

par anne bluet

Joseph Canteloube
Chants d'Auvergne (extraits)

1 CD Naxos (2005)
8.557491F
Joseph Canteloube | Chants d'Auvergne (extraits)

Élève d'Amélie Daetze à Paris pour le piano, puis de la Schola Cantorum et de Vincent d'Indy, au début du XXe siècle, Marie-Joseph Canteloube (1879-1957) devait développer un goût sans cesse approfondi pour la culture musicale populaire. Après quelques essais académiques, comme le Colloque sentimental (quatuor à cordes avec voix), il oriente ses travaux vers l'intégration de cet univers par la musique savante. Ainsi naîtrait l'opéra Le mas, fort inspiré de l'Auvergne natale, et bien sûr les Chants d'Auvergne dont nous trouvons de larges extraits sur ce disque. Compromis par son naïf soutien du gouvernement de Vichy, et sa participation active aux émissions de radio qu'il croyait aptes à cultiver les oreilles françaises, Canteloube serait boudé dans les années d'après-guerre ; on le considérera alors comme un régionaliste arriéré, sans y regarder de plus près.

À l'écoute, cette sélection parue chez Naxos rend compte des habitudes compositionnelles du musicien. Une certaine manière d'harmoniser le matériau de base, la présence presque systématiques de motifs en cascade du piano, faisant tour à tour usage de harpe amplifiée ou d'un socle discrètement ostinato, par exemple, donneront un air de famille aux vingt-et-une chansons présentées.

Cependant, on regrettera le peu d'engagement du soprano Véronique Gens qui propose ici des interprétations plutôt guindées d'un répertoire qui gagnerait à plus de simplicité. Elle offre un beau chant, il faut bien le reconnaître, mais ne prend aucun risque et se préoccupe peu des textes. Cela peut aussi se défendre : dans la mesure où des chants populaires sont sensés être connus de celui qui l'écoute, une relative neutralité dans l'exécution pourrait bien laisser libre cours à son imagination ; pourtant, certains invitent une chaleureuse expressivité, c'est évident.

À la tête de l'Orchestre National de Lille, Jean-Claude Casadesus suggère bien le climat de chaque miniature, avec beaucoup de poésie. Quelques accentuations malvenues viennent pourtant donner à cette musique des couleurs variété – dans Baïlèro, par exemple – ou de western – L'Antouèno. Les détails restent imprécis, et l'on réécoutera avec d'autant de plaisir l'enregistrement de la regrettée Victoria De Los Angeles.

Pour finir, ces mots de Canteloube : « Les chants paysans s'élèvent bien souvent au niveau de l'art le plus pur, par le sentiment et l'expression, sinon par la forme. »

AB