Chroniques

par emeric mathiou

Joseph Haydn
concerti pour violoncelle

1 CD Virgin Classics (2003)
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Joseph Haydn | concerti pour violoncelle

Nouveau talent de l'année aux Victoires de la musique en 2001, Gautier Capuçon (né en 1981), frère de Renaud le violoniste, commence le violoncelle à l'âge de cinq ans. Il nous propose ici son premier enregistrement en tant que soliste, les concertos pour violoncelle de Joseph Haydn avec le Malher Chamber Orchestra sous la direction de Daniel Harding.

Le Concerto en ut majeur Hob.VIIb.1, composé pour Josef Weigl entre 1762 et 1765, s'est imposé depuis longtemps au répertoire. Il dénote un côté assez spectaculaire malgré une structure simple : trois parties (moderato, adagio et allegro molto) reprenant le même thème principal. Le premier mouvement s'ouvre sur une marche solennelle, il nous expose le décor et laisse la part belle au violoncelle à la fois altier et émouvant. L'Adagio en fa est très chantant et évite le côté sérénade, le soliste se fait discret, peut-être rougissant et nous délivre sa plainte tout en retenu derrière un orchestre attentif à ses paroles. L'Allegro molto est un vrai feu d'artifice. Le soliste joue à perdre haleine avec de difficiles passages dans l'aigu tout à fait négociés, oubliant d'être criards. C'est un morceau de bravoure rendu avec beaucoup de facilité et glissant sans cesse jusqu'à la fin de plus en plus saccadé, se projetant en avant dans une course effrénée.

Composé pour un des plus grands virtuoses de l'époque, Anton Kraft, le Concerto en ré majeur Hob.VIIb.2 (1783) va beaucoup plus loin dans l'exploration de la technique de l'instrument. Nous pouvons penser que Haydn avait du appliquer les conseils de Kraft pour profiter en plein des effets de doubles et de triples cordes. L'Allegro moderato initial comprend une multitude de thèmes qui font chanter l'instrument et qui alternent avec les passages virtuoses en triples croches. Le contraste est utilisé mais pas nécessairement au fond de ses possibilités émotives. L'Adagio est une page de méditation de calme et de sérénité où le soliste nous apaise après la tempête du premier mouvement. Le violoncelle se fait rassurant et nous prouve que cette œuvre est avant tout centrée sur la beauté de la mélodie. Enfin le final Allegro est un rondo où nous retrouvons toute la fougue populaire de Haydn. L'orchestre danse, s'amuse, parle et s'éloigne derrière le violoncelle qui joue sans pudeur.

Pour clore ce programme, le Concerto en ré majeur Hob.VIIb.4 attribué à Haydn est un des nombreux apocryphes qui circulent sous son nom. Il garde la même structure à la grande différence que le mouvement lent est en mineur, chose inexistante chez Haydn. L'Allegro d'ouverture est brillant, le violoncelle solaire. Puis vient l'Adagio en mineur et le contraste devient saisissant. L'atmosphère est lunaire, sombre sans être inquiétante. Le second Allegro est lui tout en splendeur très XVIIIe. Nous entendons les fastes de l'époque. Nous ne savons pas qui l'a réellement écrit mais nous pouvons dire que c'était un fin observateur du style de son temps.

L'orchestre et la baguette de Daniel Harding sont impeccables, tranchants et vifs, peut-être un peu trop – pourquoi tant de sérieux ? Mais l'interprétation globale donne une impression de décontraction apparente ; Gautier Capuçon promène son archet et fait feu de tout bois avec son Matteo Goffriler de 1701 qui lui donne ce son si particulier, nous situant encore mieux dans l'atmosphère des années d'écriture de ces trois concertos. Il offre des effets de pyrotechnie sonore tout en faisant preuve d'un aplomb surprenant et d'un son riche, rond et souple à la fois.

EM