Chroniques

par hervé könig

Joseph Haydn
Stabat Mater Hob.XXbis – Symphonies Hob.I:84 et Hob.I:86

2 CD Aparté (2020)
AP245
D'Haydn, Julien Chauvin joue Stabat Mater, Symphonies Hob.I:84 et  Hob.I:86

Entreprise en 2016 par la Symphonie en si bémol majeur Hob.I:85 « La reine », l’intégrale des symphonies parisiennes de Joseph Haydn par Julien Chauvin à la tête de son Concert de La Loge – aujourd’hui, l’Olympique s’affiche biffé sur les imprimés [lire notre chronique du 10 février 2016] – s’est poursuivit au fil de trois nouveaux volumes – La poule en 2017, L’ours en 2018 puis L’impatiente il y a deux ans. Alors que ces CD mettent en regard l’œuvre choisie avec des productions de son temps restées rares (signées Johann Christian Bach, Jean-Baptiste Davaux, François Devienne, Marie-Alexandre Guénin, Jean-Baptiste Lemoyne, Louis-Charles Ragué, Henri-Joseph Rigel, Antonio Sacchini, Giuseppe Sarti ou encore Johann Christoph Vogel), les deux opus de 1786 rassemblés dans le cinquième et dernier tome (La discrète et La capricieuse) sont complétés par le Stabat Mater de 1767 (édité en 1781). Il fut enregistré à l’automne 2019 à l’Auditorium du Louvre, avec la Symphonie Hob.I:86, tandis que la Symphonie Hob.I:84 fut captée à l’Arsenal de Metz.

Avec bonheur, on retrouve le violoniste et chef d’orchestre [lire nos chroniques du 14 janvier 2015, du 10 novembre 2017 et du 12 juin 2019] dans une version électrisante de la Symphonie en mi bémol majeur Hob.I:84. Passé la politesse attendue de l’introduction Largo, le premier mouvement, Allegro, danse de façon notable. Tout de grâce, l’Andante mène à un Menuet dont la franche cordialité ne rime pas avec frivolité, dans cette lecture qui fait frémir le Vivace conclusif. C’est surtout l’interprétation de la Symphonie en ré majeur Hob.I:86 qui donne la mesure du talent des musiciens. Les vents du prélude, Adagio, sont un délice, et la fièvre du mouvement lui-même (Allegro spiritoso) affirme une belle inspiration. L’auditeur ne se repaît jamais du Capriccio, tellement amusant, ni du Menuet dont flûtes et hautbois déjouent la pompe, avant la chanson tendre de son charmant trio. Julien Chauvin emporte le final (Allegro con spirito) dans une incandescence réjouissante.

Bien évidemment, cette légèreté n’est pas de mise avec le Stabat Mater Hob.XXbis.
Sévère, le recueillement des cordes rencontre l’écho idéal dans le Stabat Mater dolorosa clair de Reinoud Van Mechelen [lire nos chroniques de La Catena d’Adone, Castor et Pollux, Histoires sacrées, Les Indes galantes, Les fêtes vénitiennes, Cantates françaises et L’opéra des opéras], ténor dont on retrouve la douceur dans Vidit suum dulcem natum et la grâce dans Fac me cruce custodiri. Outre l’élégance délicate des bois, c’est le mezzo émouvant d’Adèle Charvet qui triomphe dans O quam tristis et afflicta et, plus encore, dans la lamentation Fac me vere tecum flere, sommet de l’œuvre. Le frais soprano de Florie Valiquette donne un Quis non posset contristari facile, heureux [lire nos chroniques du Postillon de Lonjumeau et d’A midsummer night's dream]. Le quatrième soliste de l’affaire est l’excellent baryton-basse Andreas Wolf [lire nos chroniques de Theodora, Krönungsmesse, Die Zauberflöte, Die Gezeichneten et Messe solennelle] : l’autorité remarquable de Pro peccatis suæ gentis impose une musicalité définitive et des moyens vocaux parfaits, confirmés par Inflammatus et accensus, fastueux. Si quelques séquences marient ces voix (Sancta Mater, istud agas, tout de sérénité, Quando corpus morietur et Virgo virginum præclara, unique quatuor de l’ouvrage), on apprécie les parties de chœur auxquelles l’ensemble Aedes, dirigé par Mathieu Romano, offre une réponse vaillante – énergique Eja Mater, tragique Quis est homo qui non fleret, enfin la fugue finale, Paradisi gloria, ornée par le soprano et par l’alto.

Voilà une belle conclusion d’intégrale !

HK