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Chroniques
Joseph Haydn
Die Jahreszeiten
Si d’aucuns l’appréhendent comme un cycle de quatre cantates distinctes, considérons Die Jahrenszeiten Hob.XXI.3 (Les saisons) comme le dernier des grands oratorii de Joseph Haydn (1732-1809), après Die sieben letzten Worte unseres Erlösers am Kreuze (1796) et Die Schöpfung (1798) – un genre musical abordé par le natif de Rohrau (Basse-Autriche) après la découverte de ceux d’Händel, lors de deux séjours anglais (1791-1792, puis 1794-1795).
Tout commence avec l’Écossais James Thompson (1700-1748), fils d'un pasteur presbytérien qui renonce à suivre les pas de son père pour enseigner et écrire. En 1726, il fait paraître L’hiver, premier élément d’un cycle poétique entièrement disponible quatre ans plus tard. Révisé en 1745, ce long poème de deux cents pages est édité en langue allemande, à Hambourg. Le baron Gottfried van Swieten en propose un arrangement à Haydn qui regrette tout d’abord l’absence de texte religieux comme base littéraire, mais se laisse tenter par tant d’échos à sa propre enfance campagnarde. Le librettiste se met alors au travail, exaltant les images de la nature et la vie simple des paysans par l’intermédiaire de trois personnages absents de l’œuvre originale. Du fait de problèmes de santé, la composition va durer deux ans (1799-1801), puis sera finalement jouée à Vienne, le 24 avril 1801, chez le prince Schwarzenberg, déjà l’hôte de la première exécution de Die Schöpfung. Un mois plus tard (le 29 mai), le public du Burgtheater découvre à son tour une œuvre symboliste dont quelques descriptions naïves furent parfois moquées avec violence… à l’instar d’Haydn lui-même qui traitait certains passages de « camelote francisée ».
Grâce à une captation signée Michael Beyer, le mélomane retrouve Nikolaus Harnoncourt au Salzburger Festspiele, en juillet 2013, à la tête des Wiener Philharmoniker. D’abord tonique et leste, puis globalement sereine et homogène, sa lecture de Der Frühling délivre les premiers figuralismes de la partition, lesquels précèderont le texte au lieu de le suivre dans Der Sommer. Après le mystère initial, l’épisode de la tempête est particulièrement bien mis en valeur. À l’image des couleurs automnales, Der Herbst vibre de matières flamboyantes. Enfin, Der Winter résonne de rires et de célébrations de la vertu, laquelle seule demeure au soir de la vie pour assurer un printemps éternel.
Moins personnages dramatiques que conteurs de scènes champêtres qui doivent leur salut à leur travail (culture, tissage, etc.), trois solistes séparent l’orchestre du chœur – Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, préparé par Ernst Raffelsberger. Du soprano Dorothea Röschmann (Hanne), on apprécie le velours et l’aisance dans certains airs redoutables (Welche Labung für die Sinne), Michael Schade (Lukas) séduit par un ténor à la fois incisif et caressant, clair et droit, sans jamais trahir l’effort. La basse Florian Boesch (Simon) ne manque ni de souffle ni de souplesse. De fait, les trios sont d’un équilibre exquis.
Une passionnante demi-heure accompagne ce concert, construite autour de répétitions exigeantes où le chef interrompt avec humour choristes trop zélés, violoncelles en colère et cornistes oublieux du solfège. « Je crois que tant qu’on est en vie, y annonce d’emblée Harnoncourt, on reste insatisfait. On ne peut atteindre que des approximations », avant d’ajouter « il faut prendre une fois le risque de courir à la catastrophe, et puis c’est bon. Il ne faut pas jouer la sécurité dès le début. Sécurité et beauté sont incompatibles ».
LB