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Chroniques
Joseph Marx
Lieder
On pourrait oublier que le courant désigné habituellement par Seconde école de Vienne côtoyait en son temps d'autres écritures musicales, ouvertement héritières du romantisme, à commencer par Richard Strauss lui-même qui, rappelons-le, compose ses Quatre derniers lieder en 1948, soit trois ans avant la mort de Schönberg. Quelques compositeurs entretinrent avec constance une esthétique hyper-lyrique, qu'on a pu juger désuète parfois, comme Alexander von Zemlinsky, Wolfgang Korngold, Ernst Schreker, ou encore Ernst Křenek. Joseph Marx exploita cette veine. Compositeur mais aussi critique et chroniqueur, Marx est une figure incontournable d'une certaine vie musicale viennoise, lui qui s'était formé seul, en autodidacte. Comme beaucoup de Germains de l'époque, il s'est passionné pour le Sud, mais non pas à travers des souvenirs de voyages comme ce fut le cas pour la plupart, mais par le biais de récits qu'on lui fit de l'Italie et des côtes dalmates et serbes en famille, ses origines étant en effet parmesanes et croates. Il ira passer une année en Turquie dans les années trente, vers la cinquantaine ; on ne peut donc pas parler d'influence, autrement que par la mythologie familiale, du Sud sur son œuvre.
Né à Graz en 1882 (comme Stravinsky), il apprend le violoncelle par ses propres moyens, et entre à l'Université de sa ville natale dont il sortira docteur en philosophie et histoire de l'art. Il fera une belle carrière d'enseignant à l'Académie Musicale de Vienne et à Ankara. Outre des œuvres orchestrales encore peu jouées et méconnues, il a produit, comme Wolf, un Italianisches Liederbuch, et mis en musique les poèmes de Giraud, Pierrot Lunaire, comme le fit Schönberg. Une drôle de constatation qui à elle seule permettrait peut-être de situer Joseph Marx dans l'histoire de la musique...
Avec ses vingt-deux lieder, le disque de Marie-Paule Milone pour Solstice rend hommage à une production intense, puisque Marx en écrivit une bonne centaine. Parmi les poètes illustrés ici, on notera la présence d’Hermann Hesse, Heinrich Heine, Knut Hamsun, par exemple. Ces pièces furent composées dans les années trente, par un homme qui maîtrisait parfaitement le genre pour en avoir minutieusement analysé les procédés dans les recueils de ses prédécesseurs.
Si le piano de Denis Pascal se nourrit avantageusement d'une sonorité fin de siècle tout à fait remarquable sans sombrer dans le trop sucré d'un Korngold de retour d'Hollywood, l'interprétation du mezzo-soprano est moins heureuse, confondant expressivité et portamento. Les aigus y sont presque toujours atteints par en dessous, miaulés légèrement mais suffisamment pour qu'ils en devinssent désagréables. C'est dommage, car par ailleurs on lui reconnaîtra des qualités de diseuse indéniable. Cela dit, merci de nous faire découvrir ces mélodies qu'on regarde toujours d'un peu trop haut.
AB