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Chroniques
Juliusz Multarzyński
Pianiści, Studium Rubato
Édité avec le concours de l’Institut National Frédéric Chopin de Varsovie et l’aide du Ministère de la culture, dans le cadre des festivités du bicentenaire de la naissance du compositeur, voici un fort bel album regroupant les photos de plus de cent soixante pianistes internationaux – en passant par la Pologne, pourrait-on dire. Ces dernières années, le photographe Juliusz Multarzyński a réalisé sur le vif les portraits de grands chopiniens, pendant les festivals Chopin d’Antonin, de Duszniki Zdrój et de Varsovie, ainsi qu’à l’Opéra national Polonais, entre autres. Le principal intérêt de ces images est de montrer les artistes en jeu, concentrés et inspirés, face au clavier, à l’exception de Krystian Zimerman saisi lors des saluts.
Ainsi y retrouverez-vous l’alerte et saine rigueur de Tatiana Shebanova, Rita Bouboulidi sertissant son regard dans les touches, l’élégance et le caractère de Marek Drewnowski, l’engagement d’Eldar Nebolsin, l’indicible douceur de Pawel Giliłow sur le profil duquel l’on croit pouvoir lire le phrasé si personnel, à l’opposé de la tourmente d’Ivo Pogorelich, mais aussi la frappe rigoureuse de Michel Dalberto, l’incisive précision de Martin Helmschen, la délicate énergie, discrètement inquiète, de Markus Groh ou l’exultation intérieure de Nikolaï Demidenko. Quelques instantanés offrent des Piotr Banasik intensément présent, Piotr Anderszewski en prière et Ludmil Angelov recueilli, laissant découvrir l’habituellement sobre Rafał Blechacz dans le grand panache d’un geste final et la simple évidence de Jan Lisiecki, ici particulièrement émouvant.
Publiées dans un tirage légèrement sépia d’une fort belle définition, ces photographies, qui suspendent adroitement regards, gestes et mouvements, sont introduites par un texte (imprimé ici en version originale, bien sûr, mais aussi en français, en anglais, en allemand, en russe et même en japonais) du musicologue Bohdan Pociej (disparu le 3 mars 2011), personnalité très importante du paysage musical polonais, qui, outre d’avoir écrit de nombreux ouvrages (sur Mahler, Bach, Lutosławski, Wagner, Górecki, etc.), fut un homme de radio et de presse. Il invite le lecteur à s’interroger sur le regard induit par l’écoute, les correspondances entre le voir et l’entendre, l’imaginaire qui en découle, floutant peut-être la perception (qu’en fausse ingénuité certains veulent encore croire objective), nous arrêtant plus précisément sur l’importance du geste, « ce mot qui possède plusieurs sens en polonais… ».
C’est par un cliché remarquable entre tous que nous conclurons cet article, un cliché portant au-delà de l’inspiration, de l’effort, de la prouesse ou du coup de génie, un cliché qui pour toujours fixe la rencontre à travers le jeune désarroi de Dobrochna Krówka (page 105).
BB