Recherche
Chroniques
Kaija Saariaho
trios
Désormais l’objet de concerts monographiques réguliers – à Paris, Nantes ou Caen [lire notre chronique du 10 avril 2011] –, Kaija Saariaho (née en 1952) s’est fait connaitre, durant les années quatre-vingt, par une écriture sensuelle et lyrique qui s’accompagne d’une recherche de timbres nouveaux – dans le domaine chambriste, tout spécialement, citons Nymphéa (1987) pour quatuor et Petals (1988) pour violoncelle solo. La décennie suivante révèle une musique plus expressive, mais toujours soucieuse de textures et de couleurs, dont témoigne Cendres (1998), pièce la plus ancienne de ce programme pour formation à trois, déjà gravée en 2004 par le Wolpe Trio [lire notre critique du CD].
Je sens un deuxième cœur (2003) dérive de la composition du deuxième opéra de Saariaho, Adriana Mater [lire notre chronique du 10 avril 2006]. L’idée de départ de cette suite en cinq mouvements est de créer, en effet, des portraits musicaux des quatre personnages dessinés par Amin Maalouf. La traduction pour alto, violoncelle et piano prend vite une autre direction mais témoigne cependant de la violence qui soutend le livret par l’adoption d’un climat général inquiet, voire grinçant, et l’exploration de l’énergie instrumentale sur Ouvre-moi-vite ! (II) et Il faut que j’entre (IV).
En 2007, tandis qu’elle compose Mirage, une œuvre pour soprano et orchestre qui serait créée l’année suivante [lire notre chronique du 13 mars 2008], la Finlandaise élabore une version pour trio dévoilée au Festival des Arcs [lire notre chronique du 26 juillet 2010]. Partenaires du flûtiste Mikael Helasvuo dans Cendres, le violoncelliste Anssi Karttunen (fidèle à l’univers saariahoen) et le pianiste Tuija Hakkila retrouvent ici Pia Freund, avec eux créatrice et dédicataire de l’œuvre. Elle délivre les mots incantatoires de la guérisseuse mazatèque María Sabina, portés jadis par Karita Mattila et reproduits dans la présente notice, pour une partition toujours aussi poignante.
Si le violoncelle et la flûte apparaissent comme des instruments privilégiés de la créatrice, riche de ces timbres évoqués plus haut, la percussion en est un autre – que l’on songe à Six Japanese Gardens (1993/95) ou à ces timbales souvent sollicitées, qui « font entendre le battement du cœur humain ». Conçu en cinq parties Serenatas (2008) invite Florent Jodelet, soutenu une nouvelle fois par Karttunen et Hakkila, à maintenir ses interventions dans une certaine délicatesse, sinon retenue, qu’annoncent les titres Delicato, Dolce, Languido et Misterioso.
Formé de quatre mouvements, Cloud Trio (2009) trouve son origine dans une contemplation des nuages qui surplombent les Alpes françaises, reconnaissables comme tels mais toujours différents. Dans cette pièce conçue en arche (calme méditatif – énergie – tranquillité expressive), Saariaho accentue la nature propre des trois cordes en présence, donnant à chacun un rôle spécifique. La pièce est défendue avec expressivité et engagement par le Zebra Trio que forme Anssi Karttunen avec Steven Dann (alto) et Ernst Kovacic (violon) – rappelons que la créatrice a pratiqué cet instrument, et que sa propre fille est violoniste [lire notre entretien d'avril 2011].
LB