Dossier

entretien réalisé par bertrand bolognesi
paris – 29 avril 2011

Kaija Saariaho | Circle Map
portrait de la compositrice autour d’une œuvre

Kaija Saariaho interviewée par Bertrand Bolognesi pour Anaclase
© priska ketterer

Quelques semaines avant la création mondiale de sa nouvelle œuvre, Circle Map, par le Koninklijk Concertgebouworkest dans le cadre du Holland Festival (Amsterdam, le 22 juin), et tandis qu’à la tête du Cleveland Orchestra Franz Welser-Möst fera bientôt découvrir Laterna magica aux oreilles étasuniennes (New York, le 23 mai), cet entretien passionnant avec Kaija Saariaho entrouvre quelques portes. Après trois journées consacrées à sa musique par le Concertgebouw de Bruges et toute une riche année de résidence à Carnegie Hall, les secrets de la compositrice finlandaise gagneront pour la première fois les tropiques à travers D'Om Le Vrai Sens (Mexico, les 23 et 25 novembre)

Comment surgit une idée musicale, l’envie de l’explorer ?

Chaque fois, c’est différent. L’idée apparaît parfois d’elle-même, peu à peu, comme un objet qui sortirait de terre ; alors, on comprend que c’est bien elle qu’on désirait. D’autre fois, elle surgit, comme un flash, dans des situations inattendues où l’esprit est plus libre. Il arrive également que certaines idées viennent simplement parce qu’on s’est mis à sa table, qu’on s’est concentré pour faire des choix dans un travail en cours ; elles découlent directement de la pratique compositionnelle. Parfois, il s’agit d’une idée strictement musicale, mais d’autres sont plus larges. Un désir d’orchestration lié à une certaine atmosphère, par exemple, qui me hante jusqu’à ce que je parvienne à la réaliser. La musique elle-même peut être plus ou moins présente au début d’un projet ; c’est très variable. Après ce premier stade, il y a une période de rudesse absolue où l’on se demande que faire de cette idée et avec quels moyens. C’est dur mais indispensable de définir le matériau avec lequel travailler. Mieux vaut ne pas se tromper. Bien sûr, il reste possible de revenir sur ses pas, mais le chemin est plus facile si l’on a compris rapidement ce dont on a besoin pour explorer l’idée de départ. Bon, ce n’est jamais facile, de toutes manières (rires) ! Déjà que c’est un vrai combat de s’abstraire du quotidien pour composer – de même qu’à un instrumentiste il n’est pas donné d’emblée de se mettre chaque jour en conditions, de s’échauffer, de s’entraîner, etc. J’ai le sentiment que la composition exige un échauffement, elle aussi. Souvent, je laisse volontairement le travail dans un état dont je sais pertinemment qu’il sera plus aisé de le reprendre le lendemain. Mais cet échauffement peut aussi prendre des journées entières, voire des semaines – en ce qui me concerne ; peut-être que cela va plus facilement pour certains confrères, je ne sais pas, je le leur souhaite.

Beaucoup de vos titres emprunte à Saint-John Perse. Qu’est-ce qui vous attire dans ce monde poétique, à quoi fait-il écho ?

La musique de la langue me retient. En l’écoutant, même si c’est souvent abstrait, il y a une certaine façon d’utiliser la langue française. Le choc des consonnes, par exemple, n’est jamais anodin. Et on y rencontre des images étonnantes, des métaphores très profondes. Depuis longtemps j’ai des affinités avec la poésie de Saint-John Perse sans que je puisse les analyser (de même que je n’analyse pas cette poésie elle-même, d’ailleurs). Tout cela m’inspire, voilà.

Vous l’entendez en la lisant, vous la voyez en la lisant ou vous la dites à haute-voix ?

Je ne la dis pas, non : la manière dont je parle français ressemble si peu à du français… J’ai appris tellement tard le français que ses finesses jamais ne paraissent dans ma parole, malheureusement. Ma langue maternelle est le finnois qui n’utilise que le s, jamais le son ch ou même z ; ça n’existe pas chez nous. Tout ce riche paysage entre les sifflantes et les chuintantes est difficile pour moi. Mais heureusement, si j’y arrive mal en parlant, j’entends parfaitement ces sons, bien sûr.

Lisez-vous beaucoup de poésie ?

Je suis toujours en recherche, oui. Mais lorsqu’un grand projet me tient, comme un opéra, je vis une sorte de célibat vis-à-vis des autres arts. Il m’est alors nécessaire de me cloîtrer jour après jour avec mon sujet, le texte, l’univers de l’œuvre à construire qui m’absorbe totalement. Par exemple, pendant les trois années d’écriture d’Adriana Mater, je n’ai rien lu [lire notre chronique du 10 avril 2006]. À d’autres moments, je vais vers la découverte, j’aborde même des langues, de nouvelles sonorités. En ce moment, je voyage beaucoup, je suis très active et je lis en plusieurs langues. C’est un grand plaisir. Un même texte lu en plusieurs langues évoquera des choses différentes. J’adore la poésie en édition bilingue qui décuple le plaisir.

Vous parlez donc beaucoup de langues ?

Par la force des choses. Le finnois est ma langue maternelle, puis il y a le suédois que j’ai appris à l’école, l’allemand qui est arrivé en seconde langue étrangère. Plus tard, l’anglais est devenu indispensable. Et maintenant le français. Je lis assez bien l’italien. C’est à peu près tout. Mais d’autres langues, sans qu’on les parle, se laissent lire juste assez pour en goûter un peu la musique. Chez moi, c’est le cas des langues scandinaves que j’arrive à comprendre parce qu’elles sont cousines du suédois, elles sont de la même famille.

Les langues slaves vous attirent moins ?

C’est un domaine que ne connais pas. J’ai approché quelques autres langues à travers les études de mes enfants – le chinois, l’arabe ou l’espagnol. Chaque langue véhicule toute une culture, ouvre un monde spécifique chargé d’inconnu. Cela peut d’ailleurs être un problème : ainsi le français est si riche qu’ici l’on s’emploie plus à le préserver comme un trésor immuable qu’à le faire vivre. Le problème est cependant que certaines réalités nouvelles, venues d’ailleurs, ne peuvent pas être dites avec des mots usant de racines françaises. Alors, il est impossible de refuser la source étrangère qu’il vaut mieux vivre comme un enrichissement et non comme un envahissement. Cette question est plus sensible encore avec le finnois qui est une langue très jeune à n’être parlée que par cinq millions de personnes. Du coup, la volonté de protection est encore plus grande, si bien que chaque phénomène nouveau doit trouver un mot d’origine finnoise. Par exemple : pour computeur, que vous appelez ordinateur, nous disons tietokone qui est formé des mots kone, qui veut dire machine, ettieto qui est savoir. Beaucoup de mots sont fréquemment inventés de cette façon.

Autre de vos inspiratrices : la lumière…

Dans mon esprit, il y a des connexions entre les sonorités et d’autres phénomènes sensoriels. La luminosité n’est pas que visuelle, je peux la ressentir dans le son. Tout le monde le perçoit plus ou moins de cette façon, je crois, mais on en est plus ou moins conscient. Parfois je sens la lumière proche comme un poids sur la peau. De la même façon, je fais une relation entre son, luminosité et texture. Il n’y a guère de barrière entre ces sensations. Ainsi la lumière me porte-t-elle souvent vers la musique.

la compositrice finlandaise Kaija Saariaho photographiée par Priska Ketterer
© priska ketterer

L’enfant, qui n’est pas encore capable de formuler, de verbaliser, vit des sensations nettement plus globales des choses. Je me souviens précisément qu’étant une petite fille, il m’arrivait d’être envahie par les odeurs, les sonorités, les couleurs, sans être capable de dire où commençaient les unes et les autres, où l’une se fondait dans une autre. Je sais qu’il me reste quelque chose de cette période de libre incertitude du monde.

La lumière d’une œuvre picturale peut-elle vous atteindre au même titre qu’une lumière naturelle ?

Oui, la lumière d’un tableau peut m’inspirer. Je pense à Rembrandt, à Turner et à Rothko, par exemple. Leurs œuvres me donnent beaucoup, par leurs représentations et évocations directes, volontaires, comme par l’écho qu’elles savent éveiller en moi. À ce titre, il était très intéressant de revoir l’exposition Odilon Redon, un artiste dont je ne connaissais pas tout les aspects. Ses gravures, je les connaissais depuis ma jeunesse. Le fait qu’il se soit longtemps exprimé uniquement en noir et blanc et qu’à la naissance de son fils, lorsqu’il avait déjà une cinquantaine d’années, il ait soudain adopté la couleur est extrêmement sensible. Au tout début, la couleur était là, mais pas celle de la deuxième partie de sa vie, celle de la fin, avec cet éclat particulier, inimitable. Voyez : je vous parle de cette exposition, ce qui veut dire que des réseaux complexes se forment entre ma perception et ma création ; il ne me serait pas possible de les analyser plus loin, ils m’échappent.

Dans votre œuvre, deux instruments se font particulièrement remarquer, si je puis dire : le violoncelle et la flûte...

Oui, j’ai beaucoup écrit pour la flûte, parce que j’aime cette possibilité qu’elle offre de travailler avec le souffle. Cet instrument permet d’aller au plus intime, je crois. Il offre quelque chose d’archaïque. Sur ce point, je dois beaucoup à la complicité que j’ai avec la flûtiste Camilla Hoitenga qui toujours a su non seulement m’inspirer mais encore m’accompagner. Avant cette rencontre, déjà, m’attirait infiniment le fait qu’en jouant de la flûte on ne puisse absolument pas cacher la respiration. Il est important pour moi que les interprètes respirent avec la musique, et avec la flûte c’est forcément concret. Le cas du violoncelle est différent. C’est un instrument qui est fort expressif, concernant des couleurs que j’aime à définir soigneusement. Il a la dimension idéale pour y exécuter très précisément tout ce que j’écris. La présence d’Anssi Karttunen fut une raison de plus de me pencher régulièrement sur cet instrument, bien sûr.

Parlant du souffle, vous avez également beaucoup écrit pour la voix – et l’une de vos œuvres fait parler le flûtiste dans son instrument. Y a-t-il une relation à faire entre votre intérêt pour la flûte et celui pour la voix ?

Peut-être pour celui qui reçoit la musique, pour vous ; mais pour moi, non. Chaque instrument à ses spécialités, ses caractéristiques propres. Je considère la voix humaine comme quelque chose de vraiment très spécial, à mettre à part. Certaines choses ne peuvent être communiquées que par la voix. Dans la pratique vocale l’implication du corps n’est comparable à aucun instrument.

En ce moment, écrivez-vous pour la flûte et/ou le violoncelle ?

Pas actuellement. Je suis surtout concentrée sur l’orchestre, et aussi sur une grande pièce pour violon et électronique. Car je suis également attachée au violon, pour d’autres raisons. J’ai moi-même joué le violon et, bien que je ne sois guère allée loin, je me suis plongée très jeune dans la découverte du grand répertoire violonistique, de tous les concerti de l’histoire, ce qui m’a indéniablement marqué, je pense. Eh puis, ma fille est violoniste ! Il y a une noblesse et une virtuosité complètement hors-normes dans cet instrument. Il m’intéresse de tâcher de casser un peu cette virtuosité traditionnelle et de trouver la chaleur et la dignité du violon. C’est un défi : les solistes sont confrontés à une telle compétition avec cet instrument que je cherche toujours, en écrivant pour lui, de lui porter un autre regard.

Parlant de couleurs, ce que vous composez en ce moment pour violon et électronique induit-il cette question ? En d’autres termes, la prolifération électronique autour ou avec ou dans le violon (je ne sais pas, c’est à venir) permet-elle d’élargir ses possibilités de couleurs, d’élaborer et d’explorer de nouvelles couleurs violonistiques ?

Dans ce cas, il s’agit d’un prolongement du jeu du violon par l’électronique live. C’est un projet spécifique qui s’appelle Ciaconna. Je l’ai écrit pour le violoniste Richard Schmoucler qui joue des musiques très différentes. Nous avons décidé de construire un programme autour de la Chaconne de Bach. Au début, il donne une pièce de Frédérick Martin, de György Ligeti ou la Sequenza de Luciano Berio, qui ont toutes un rapport avec la Chaconne qu’il joue directement ensuite ; puis arrivera ma création. Qu’est-ce que cela veut dire de s’inspirer aujourd’hui de la Chaconne, me suis-je demandée… j’ai pensé qu’il fallait faire un pas au-delà du sujet, en quelque sorte, de marquer le temps écoulé entre Bach, les œuvres citées plus haut et le présent, un pas qui se traduit par l’apport de l’électronique. De là est venue la nécessité de traiter la couleur du violon, de la développer, de l’enrichir, afin de créer une page qui puisse être jouée dans la suite de la Chaconne. Dans cette partie électronique en direct, beaucoup de choses sont déclenchées par l’interprète lui-même. J’envisage une partition d’une durée de vingt minutes environ, en quatre parties, ce qui déjà est assez important pour moi (j’écris rarement des pièces pour instrument solo d’une telle dimension).

L’on put entendre tout dernièrement une pièce pour électronique seule, sans instrument acoustique, Stilleben (1988), dont la force est surprenante [lire notre chronique du 10 avril 2011] ; il ne me semble pas aisé de tenir une pensée musicale sur la durée avec l’électronique pour seul médium…

Oui, tout à fait d’accord, et c’est la raison pour laquelle je n’ai plus composé pour l’électronique « pure » depuis cette époque. Je n’ai plus envie de faire écouter au concert vingt minutes d’électronique, c’est trop aride. Deuxièmement, c’est tellement plus intéressant de travailler avec les musiciens, d’être dans ce moment d’intense communication humaine, qu’aujourd’hui mes œuvres combinent production acoustique et source électronique. Cela faisait longtemps que je ne l’avais donné en concert, très longtemps, même, que je ne l’avais écouté. Pour écrire cette pièce, j’ai dû concevoir un matériel qui se rapprochait d’une partition d’orchestre où figurer la voix de femme, le chœur, les transformations à faire subir aux sonorités concrètes, etc. Finalement, je reste attachée à cette œuvre qui me paraît riche et structurée.

En réentendant Graal Théâtre tout récemment, lors d’Aspects des musiques d’aujourd’hui [lire notre chronique du 8 avril 2011], l’interprétation en parut souple, élégante, aimablement phrasée, pour ainsi dire, ce qui la confrontait au souvenir d’une version à l’expressivité plus rauque. Comment vous-même concevez-vous l’interprétation de cette œuvre ?

Kaija Saariaho (photo Priska Ketterer) rencontre Bertrand Bolognesi (Anaclase)
© priska ketterer

Mes partitions laissent beaucoup d’espace aux interprètes. C’est le propre d’une indication, de la notation en générale, d’être comprise comme ceci ou comme cela, n’est-ce pas ? À Caen, vous avez entendu Antti Tikkanen qui est très à l’aise avec ma musique, qui n’aborde pas les sons « écrasés » comme des agressions, par exemple. En tant que personne, ce violoniste est quelqu’un d’assez lisse qui vit dans une sorte de facilité, sans murs entre la musique et lui-même. La nature de son jeu, telle que vous l’avez perçue, naît de cette absence de complication dans sa personnalité, je crois. Son interprétation est naturelle : je ne verrais aucun intérêt à lui dire « écoute, pourrais-tu faire plus sentir la difficulté de tel passage ? » à partir du moment où lui-même de ressent absolument pas cette difficulté. D’autres interprètes – à commencer par Gidon Kremer, par exemple – ont trouvé des cassures dans cette œuvre, des aspects qui leur ont semblés appeler une certaine violence. À chacun de trouver son chemin dans Graal Théâtre. Ce qui est important, c’est d’y tracer le sien, toujours ; c’est ce qui est juste, au fond. Ainsi pouvons-nous entendre le Graal Théâtre de Gidon Kremer et le Graal Théâtre d’Antti Tikkanen qui ne se ressemblent pas, mais les deux sont justes en ce qu’ils correspondent intimement à la personnalité de l’interprète. Et je respecte cela.

Votre actualité avec les grands orchestres internationaux est dense, ces prochains mois. Le Concertgebouw de Bruges consacrera un Domaine de trois journées à votre musique, en novembre prochain. Dans le cadre de la résidence 2011/2012 où vous accueille Carnegie Hall, dès l’automne, le public new-yorkais pourra entendre nombre de vos opus – courant mars, par vos amis artistes tels Anssi Kartuunen et Karita Mattila, mais encore découvrir Laterna magica en première américaine (23 mai 2012) par Franz Welser-Möst à la tête du Cleveland Orchestra.

Le projet le plus proche de nous est la nouvelle version de l’opéra Émilie [lire notre chronique du 7 mars 2010] pour la première américaine qui aura lieu au Spoleto Festival (Charleston), à la fin du mois de mai 2011. Dans cette production, le rôle sera chanté par Elizabeth Futral, une formidable colorature étasunienne. Vous savez, c’est important que les opéras contemporains soient créés, bien sûr, mais aussi qu’ils soient rejoués par la suite. Ainsi, je reviens d’Osnabrück ; cette ville de dimension modeste a donné la première allemande de mon Adriana Mater. L’Allemagne est vraiment surprenante pour cela : elle compte énormément de maisons d’opéras, et, à chaque fois que je vais y suivre la représentation d’une de mes œuvres (ce qui arrive assez fréquemment, en fait), je m’étonne de la profusion de productions, de la qualité des réalisations, la plupart du temps avec des interprètes que je ne connaissais pas avant de m’y rendre. Musicalement, c’est toujours de haut niveau, vraiment. Cette fois, l’œuvre était dirigée par Hermann Bäumer, un bon chef. Cette belle mise en scène d’Adriana Mater qui m’a touchée, signée Andrea Schwalbach, mérite de voyager, d’être vue ailleurs ; j’espère que ce sera possible. Mais bien sûr, c’est avant tout la grande pièce d’orchestre qui m’occupe beaucoup actuellement ; j’y travaillerai tout l’été.

Approche maintenant la création de Circle Map, votre nouvelle œuvre pour grand orchestre et électronique, donnée le 22 juin 2012 par le Koninklijk Concertgebouworkest dans le cadre du Holland Festival.

Il s’agit d’une commande conjointe des Boston Symphony Orchestra, Göteborgs Symfoniker, Koninklijk Concertgebouworkest, Orchestre National de France, Royal Scottish National Orchestra et Stavanger Symfoniorkester. L’Orchestre royal du Concertgebouw créera cette nouvelle page d’environ vingt-cinq minutes, sous la direction de Susanna Mälkki, à Amsterdam. Les autres orchestres précités la joueront plus tard.

Quelle est l’idée de base de Circle Map ? D’où vous vient-elle ? Quelle en sera la logique ?

Le titre est un terme mathématique qui désigne un système dynamique circulaire. J’étais intéressée par des questions concernant les variations d’un matériau en rotation. Dans cette pièce je combine une partie électronique avec l’orchestre, ce que j’ai fait, à part dans mes opéras, seulement une fois il y a longtemps, dans ma pièce Verblendungen. Comme matériau pour la partie électronique, j’utilise six poèmes de Rumi, lus en perse par Arshia Cont. J’étais curieuse de découvrir la musique d’une langue que je ne connais pas, et de m’en inspirer pour l’écriture orchestrale. Circle Map se divise en six parties dont chacune est une « interprétation » d’un des poèmes. Dans la partie orchestrale, cela veut dire être inspirée par une idée contenue dans le texte ou bien par les aspects musicaux du texte, le rythme ou l’intonation, par exemple. Dans la partie électronique, la voix est traitée et transformée de manières variées, selon les besoins concernant l’orchestration et le caractère du mouvement.

Vous avez d’autres projets pour de nouveaux opéras ?

Non. Pas pour le moment, en tout cas. Je ne crois pas en avoir fini avec l’opéra, mais j’ai vraiment besoin de faire une pause de plusieurs années. D’abord, c’est un travail énorme et très prenant que d’écrire un opéra, particulièrement lourd à porter. Et il faut que cela me vienne d’une nécessité profonde qui, ensuite, aura besoin de prendre le temps de mûrir en moi avant de se préciser peu à peu. Ce processus n’est pas rapide. Puis il faut rencontrer la bonne équipe pour le créer – le sujet, le livret, le metteur en scène, les interprètes, le chef, etc. Je n’ai pas envie de me retrouver maintenant avec un deadline qui s’approcherait trop vite.