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Chroniques
Karl Amadeus Hartmann
Simplicius Simplicissimus
Né à Munich dans une famille vouée aux beaux-arts, étudiant avec Joseph Haas puis avec Anton von Webern, Karl Amadeus Hartmann (1905-1963) ne voit pas sans désarroi l'ascension au pouvoir d'Adolf Hitler. Face à l'avènement du Troisième Reich, il ne choisit pourtant pas la fuite, comme tant d'autres, mais décide de rester en Allemagne. Alors que ses œuvres de jeunesse commencent à se faire connaître à l'étranger, il se retire d'une scène musicale compromettante et compose pour lui seul, jusqu'en 1945. Mûrement choisit, cet exil intérieur se veut un acte de résistance, et c'est très tôt qu'il écrit Simplicius Simplicissimus (1934-35) ou dédie son poème symphonique Miserae aux prisonniers du camp de Dachau. Beaucoup d'œuvres de cette période furent remaniées plus tard, d'autres découvertes après la mort du musicien.
Créé en 1956 seulement, l'opéra de chambre que nous propose Arthaus Musik s'inspire d'un roman célèbre publié en 1668 par Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen : Les aventures de Simplicius Simplicissimus. D'une forme proche du picaresque espagnol, l'ouvrage retrace le parcours tragicomique d'un jeune paysan innocent, pris dans la tourmente de la terrible guerre de Trente Ans (1618-1648). Fuyant les soldats pillards qui incendient son village, le héros se voit élevé par un ermite avant de tomber aux mains d'un gouverneur de province qui l'engage comme bouffon ; ainsi de suite. L'ouvrage de Hartmann se concentre sur les premiers épisodes, forts sombres, de l'original et nous rappelle souvent – ainsi que les musiciens en fosse – que dans cet affrontement l'Allemagne a perdu deux tiers de sa population.
Tout en présentant un décor assez neutre – une sorte de hall anonyme, avec porte large et escalier conduisant à l'étage –, cette production du Staatsoper de Stuttgart (2005) n'en est pas moins saisissante, la banalité et le réalisme du lieu évoquant ces images de rafles ou d'épidémies propres aux documentaires et à certaines fables cinématographiques – Nosferatu, Body snatchers ou encore I am a legend. Pour le chœur omniprésent, une table renversée et un lancer de pages blanches servent à représenter le chaos.
Jouissant d'un phrasé évident et d'une couleur agréable, Claudia Mahnke incarne le rôle-titre. En tuteurs successifs, le paysan de Helmut Berger-Tuna s'avère honnête, l'ermite de Frank Van Aken relativement sonore, bien qu'un peu nasillard. Heinz Göhrig et Mark Munkittrick composent respectivement un Gouverneur et un Capitaine vaillants et crédibles. La seule réelle déception vient de Mickael Ebbecke au timbre sourd, à l'impact terne. Sous la battue souple et précise de Kwamé Ryan, livrant des traits solistes de qualité, le Staatsorchester Stuttgart fait résonner une musique évoquant parfois Weill ou Britten, mais surtout Stravinsky, à qui elle doit beaucoup.
LB