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Chroniques
Karol Szymanowski
intégrale pour violon et piano
Son amitié avec le violoniste virtuose Pawel Kochanski, connu durant ses années d'études, a-t-elle joué un rôle dans l'intérêt de Szymanowski pour cet instrument ? Ce qui est sûr, c'est qu'il occupe une place importante dans sa production : un trio pour violon, violoncelle et piano, deux quatuors, neufs œuvres de chambre – dont six présentées ici –, deux concertos, sans parler de fréquentes interventions dans les œuvres symphoniques.
Premier Prix de violon du CNSM de Paris, Nicolas Dautricourt a remporté bien d'autres succès depuis la fin de ses études musicales, dans divers concours comme sur les scènes françaises et internationales. Il a étudié avec des maîtres tels que Philipp Hirschhorn, Tibor Varga, Miriam Fried ou Hermann Krebbers. Comme il affectionne tout particulièrement la musique de chambre, il a également participé aux master classes du Quatuor Borodine et du Quatuor Hagen. Il joue ici en duo avec Laurent Wagschal : élève dans les classes d’Yvonne Loriod et de Michel Béroff au CNSM de paris, il obtient un Premier Prix de piano. Il a abordé la musique de chambre avec des musiciens comme le violoncelliste Eric-Maria Couturier ou le flûtiste Kazunori Seo. Ces deux jeunes artistes sont lauréats de la fondation Natexis.
Les Mythes Op.30, œuvre de maturité écrite entre mars et juin 1915, constituent une grande révolution de la musique pour violon. Toutes les possibilités techniques de l'instrument y sont exploitées, avec invention et virtuosité. On lit également dans ces trois morceaux l'admiration du compositeur pour la modernité française (Debussy, Ravel), et pour Stravinsky. La Fontaine d'Aréthuse est une musique d'atmosphère vibrante qui évoque l'histoire d'une nymphe transformée en source, Narcisse une évocation lyrique – à deux thèmes – du jeune garçon, prisonnier de son image, qui se change en fleur, enfin Dryades et Pan se présente comme un ballet, avec des effets très réussis comme les murmures de la forêt ou les sons de la fameuse flûte du dieu. C'est une interprétation toute en finesse que proposent les jeunes gens, dont Narcisse se caractérise par une inquiétante âpreté, traduction de l'impossible quête de l'autre en soi-même, jusqu'à la chute.
Petite pièce courte écrite pour se détendre entre la Sonate n°2 et la Symphonie n°2 qui l'occupaient à l'époque, la Romance Op.23 est créée le 8 avril 1913, à Varsovie. Elle est jouée ici avec une élégance un rien salonarde qui lui sied comme un gant. Trois caprices de Paganini Op.40 est une adaptation du compositeur, en collaboration avec le violoniste Victor Golberg. Les modifications, par rapport à l'original, vont crescendo du premier au troisième, imposant la propre vision de Szymanowski sur ces pièces souvent brèves. Version brillante et soignée qui invite à la méditation (plage 7).
La lecture de la Sonate en ré mineur Op.9 (1904) s'avère nettement plus tragique, dès l'abord. L'œuvre possède une structure traditionnelle et une écriture encore soumise aux conventions. On y relève beaucoup de références au romantisme tardif et à la musique de César Franck. Aussi le lyrisme est-il parfaitement au rendez-vous. La calme revenu après un premier mouvement tumultueux, Laurent Wagschal introduit le deuxième dans une sonorité légèrement brumeuse, joliment travaillée, tandis que le violon vient poser une sorte d'élégie nonchalante. La véhémence revient dans l'Allegro qui clôt cette page : un peu plus de chair n'aurait pas nuit à l'expressivité du violon.
Les deux pièces formant l'Opus 28 datent de la même année. Le peu de nouveauté harmonique est compensé par une plus encore grande exploration des sonorités du violon. Celui-ci semble décrire des arabesques sur l'arrière-plan impressionniste dessiné par le piano. Les toutes premières mesures du Nocturne sont ici pleines d'un grave suspens. Enfin, c'est avec la Berceuse d'Aitocha Enia Op.52 – une courte et simple mélodie écrite en juillet 1925, chaleureuse et souple, destinée à séduire les tout-petits – que s'achève ce disque, dans un climat que Nicolas Dautricourt et Laurent Wagschal savent rendre exquisément énigmatique.
HK