Chroniques

par laurent bergnach

Laurent Cuniot
œuvres variées

1 CD Merci pour les sons (2022)
MPLS 20001
Trois pièces signées Laurent Cuniot, avec le percussionniste Florent Jodelet

Le son du violon dans l’enfance, puis ceux liés aux nouvelles technologies, découvertes à l’adolescence, ont permis à Laurent Cuniot (né à Reims, en 1957) de se construire comme chef d’orchestre, directeur musical, professeur et compositeur. Composer, c’est-à-dire initier, en ce qui le concerne, « un langage sans paroles dont la puissance métaphorique déplace, saisit, transperce d’émotion » (notice du CD). Ceci l’amène à un dialogue récurrent avec certains interprètes dont Florent Jodelet, loué pour ses qualités bien connues (subtilité, imagination, exigence, etc.).

C’est au percussionniste – par ailleurs responsable du label Merci Pour Les Sons [lire nos critiques des CD Singier et Canat de Chizy] – que l’ancien élève de Pierre Schaeffer et de Guy Reibel dédie le solo Efji (Strasbourg, 2005), au début du présent siècle. Comme pour signer leur complicité, il y salue le goût pour les instruments extra-européens ramenés de voyage par le musicien, si bien qu’« Efji reçoit maracas et caxixis, binzasara et cencerros, gamelans et gongs, le carillon des angklungs et les peaux accordées tendues sur les tubes des boo-bams », comme l’indique Didier Lamare (ibid.). Sept parties se succèdent en un quart d’heure, sortes de cartes postales qui favorisent tantôt le métissage de fragments colorés, tantôt l’énigme d’une nuée gommant les contours.

Dans Reverse Flows (Nanterre, 2015), Florent Jodelet est à nouveau présent, mais en retrait de l’altiste Geneviève Strosser, treize membres de l’Ensemble TM+ et l’électronique. Ces courants contraires trouvent leur origine dans le prélude d’un opéra pour mezzo-soprano, Des pétales dans la bouche (2011). Six parties la structure – la quatrième s’avoue un hommage à Schönberg – que l’Ircam enregistra lors de la création dans le cadre du festival ManiFeste, en présence de Marc Desmons (direction) et de Serge Lemouton (réalisation informatique musicale), à la Maison de la musique de Nanterre, port d’attache de TM+ depuis un quart de siècle.

Le programme s’achève avec Une (2021), œuvre sans doute marquée par la distanciation sociale qu’encourageait la pandémie de Covid-19 puisque le site de l’Ircam annonce comme lieu de création « YouTube et Facebook » – présumons qu’elle eut lieu à Nanterre, comme l’ensemble du disque. Sur les pas de Pétrarque et de Liszt, deux amoureux notoires célébrés dans la première des cinq parties de cette demi-heure pour vibraphone, percussion et onze instruments, le compositeur célèbre la figure féminine. On y retrouve cette inclination pour un flux continu qui recèle le mystère, une tension rythmique qui conjugue célébration et danger, un exotisme éphémère porté par une certaine sensualité, comme si l’orientalisme des aînés (Jolivet, Ohana, etc.) rencontrait le mouvement spectral.

LB