Recherche
Chroniques
Luca Mosca
Signor Goldoni | Monsieur Goldoni
Élève de Donatoni et Sciarrino, le compositeur, pianiste et claveciniste Luca Mosca (né à Milan en 1957) a déjà livré de nombreux ouvrages pour la scène : Il Sogno di Titania,Peter Schlemihl, America et K sur des livrets de Pilar Garcia, ainsi que Mr. Me, Freud, Freud, I Love You et Ubuette sur des livrets de Gianluigi Melage.
Avec ce dernier, il signe aujourd'hui Signor Goldoni (2005-07), un drame burlesque en deux actes qui célèbre le tricentenaire de la naissance du dramaturge, mais plus encore Venise, la ville qui l'a nourri. Car c'est des Champs Élysées à la cité lagunaire, le temps d'une nuit de bal masqué, que l'Anzolo Rafael (un archange de pierre, bien connu des touristes) entraîne Carlo Goldoni, auquel s'accroche le poète érotique Giorgio Baffo. Les revenants passent un temps inaperçus au cœur d'une fête qui célèbre les personnages de Shakespeare et mêle le natif d'Avon lui-même sous le déguisement d'Othello, Mirandolina (protagoniste de la Locandiera), Despina (son héritière, héroïne de Mozart et Da Ponte), sans oublier des personnages de Commedia dell'Arte. La suite ne manque ni d'anachronismes, ni de rebondissements : un piège est tendu au poète lubrique, un duel s'engage entre Goldoni et Othello et une compétition de chant se met en place à la suite d'un gage. Pour cette présentation au public de La Fenice en septembre 2007, Davide Livermore livre une mise en scène à l'esprit loufoque, aux décors et costumes soignés.
Offrant un tissu riche et bigarré, une orchestration au premier abord opulente, la partition extrêmement rythmique de Mosca – défendue par Andrea Molino – rappelle le Rake's progress de Stravinsky autant que certains collages de Maderna. L'œuvre propose des moments burlesques, grotesques, mais aussi certains potentiellement dramatiques, qu'annonce, par exemple, un ensemble de mandolines inquiètes.
Signor Goldoni n'a pas à rougir des chanteurs qui participent à sa création – en anglais, une langue appréciée pour ses qualités musicales –, tous sonores et efficaces : l'alto Sara Mingardo (Desdemona), le ténor Michael Bennett (Arlecchino), la basse Michael Leibundgut (Othello) et les barytons Roberto Abbondanza (Goldoni) et Chris Ziegler (Baffo).
De plus, il faut signaler les magnifiques duos de la colorature Barbara Hannigan (Despina) avec le mezzo Cristina Zavalloni (Mirandolina), ainsi que les prouesses de Aida Caiello, soprano qui passe aisément des graves profonds aux suraigus les plus acrobatiques.
LB