Chroniques

par delphine roullier

Ludwig van Beethoven
Fidelio

1 DVD Arthaus Musik (2005)
101 099
La production de Peter Hall, réalisée au festival de Glyndebourne en 1979

L'unique opéra de Beethoven, Fidelio, fut composé en 1805 puis remanié à deux reprises (en 1806 et en 1814) avant de trouver sa forme définitive en deux actes et de recevoir un fervent accueil du public viennois. Afin de délivrer son mari Florestan, Eleonore, par le truchement du travestissement masculin, parvient à s'introduire dans la prison où elle occupe les fonctions d'assistant auprès de Rocco, geôlier en chef et père de Marzelline. D'amours entrecroisées – de Marzelline pour Fidelio (en fait Eléonore) et de Jaquinot, portier de la prison, envers Marzelline –, et de combats pour la liberté, les nobles morales sentimentales et humanistes seront célébrées en fin d'ouvrage : sorti de captivité, Florestan en sera la chair même.

La version audiovisuelle, choisie par Arthaus Musik, est celle de la production de Peter Hall, réalisée au festival de Glyndebourne en 1979. Aussi, dans une mise en scène légèrement surannée, le contexte contemporain de l'œuvre est préservé avec réalisme : la prison politique montre une cour abhorrée cernée par de lourdes portes grillagées. Au second acte, le cachot souterrain, sombre et humide, fait apparaître Florestan tel un martyr, dans un rayon de lumière que produit l'ombre projetée des barreaux de la grille. C'est sur l'esplanade du château, surplombée par une statue, que le peuple applaudira l'œuvre de la clémence, en pleine lumière, sous l'autorité bienveillante des couleurs républicaines qu'arbore le ministre. Libérée de l'assaut tyrannique, la justice sera rendue à tous dans un superbe élan fraternel.

Le jeu des acteurs, très fréquemment positionnés face public – du coup, face à la caméra, notamment au premier acte –, place le jeu dans des destins individuels, bien plus que dans une action dramatique interne : parti pris somme toute assez judicieux pour restituer le contexte idéaliste dans lequel l'œuvre de Beethoven a puisé son inspiration. Notons qu'ici, l'avantage est aux voix plus qu'à la mise en scène.

En effet, la distribution est remarquable : la magistrale Marzerline d'Elisabeth Gale fait preuve d'une douceur à fleur de peau qu'un timbre rond traduit avec beaucoup d'émotion. La voix profonde de Fidelio, campé par Elisabeth Söderström, révèle un grand art de la nuance, tant expressif dans la détermination que dans les passages plus sensibles. Rocco, interprété par Curt Appelgren, joue d'une présence très humaine dont on ressent aisément la générosité. Florestan, confié à Anton de Ridder affirme une présence bouillonnante ; sa puissante projection étonne de maîtrise et relève le défi posé par sa difficile partition de l'Acte II. Quant à Don Pizzaro – Robert Allman –, la structure solide de sa voix permet d'accomplir avec justesse la sévérité et l'autorité du personnage qu'il incarne. Les musiciens du London Philharmonic Orchestra accompagnent ces solistes avec brio. Sous la baguette de Bernard Haitink, leur lecture rend un bel hommage à l'œuvre, manifeste pour la liberté.

DR