Chroniques

par bertrand bolognesi

Ludwig van Beethoven
Symphonie en ré mineur Op.125 n°9

1 SACD Sony music / RCA Red Seal (2009)
88697576062
Ludwig van Beethoven | Symphonie en ré mineur Op.125 n°9

L'intégrale des symphonies de Beethoven par la Deutscher Kammerphilharmonie Bremen et Paavo Järvi, qui s'appuie sur la nouvelle édition de Jonathan del Mar chez Bärenreiter, se conclut magistralement par une Neuvième de toute beauté. Précision et exactitude du tempo imposent d'emblée un Allegro ma non troppo e un poco maestoso à la fois rigoureux et souple, sans austérité ni immobilisme. On goûte particulièrement la couleur pure des vents de Brême, sans ostentation toutefois, relativement droite et infiniment gracieuse en même temps. Grâce à une clarté fidèle qui jamais ne s'avère analytique, le discours semble évident, dans une précieuse vigueur d'impulsion, sur une timbale rondement menée. Ténu en est la tonicité, toujours respectueuse des indications de dynamique, signant une interprétation véritablement inspirée, sans paresse (comme dirait Vieru).

Une différentiation très nette des rôles instrumentaux conduit de bout en bout le Molto vivace, dans une accentuation ingénieuse de la narration. Si charment des cuivres gracieux, on regrettera des cordes assez droites. La lecture, leste, rythmique, séduit par la joie calme et contenue qu'elle communique. L'urgence est ici parfaitement maîtrisée par ce qu'on pourrait appeler la saine habitude de la fougue en soi. L'Adagio suivant se distingue par la superbe égalité de sa nuance, tout en réserve, avec un épisode Andante d'une délicatesse inouïe, un Andante moderato à peine souligné, la lumière remarquable du trait de cor du choral Adagio. Ce troisième mouvement est conçu comme une dentelle. Sans précipitation ni effets de manches, le Presto, dont le tissage des motifs précédents annonce Mahler, trouve sa dialectique dans la rondeur incroyablement tendre des contrebasses. La suite du mouvement, Allegro assai, survient tout en douceur, en son feutré, oubliant toute velléité de surenchère solennelle. De fait, pourquoi en ajouter, quand le geste se fait si divinement fluide ? Aussi, le surgissement presque militaire du tutti surprend-il comme nulle part, Paavo Järvi réinventant complètement l'écoute d'une œuvre ô combien galvaudée.

Malheureusement, après un énergique introït, le récitatif du baryton vient tout gâcher. Entendit-on jamais plus sourd O Freunde, nicht diese Töne ? Grave erreur, en effet, que d'avoir convoqué là l'indigence vocale de Matthias Goerne ! La ligne est systématiquement malmenée, l'intonation hasardeuse, incertaine la phonation elle-même, l'aigu étroit, roté le grave, bref : rien ne va plus. On ne comprend décidément pas comment un tel choix se fit, partant que les autres parties se trouvent distribuées à d'excellents solistes. La prestation du Deutscher Kammerchor convainc aisément par une homogénéité et une intelligibilité louables.

Et à parler d'autres voix, c'est assurément celle de Klaus Florian Vogt qui enchante le plus. Ténor clair, précis et vaillant, son Froh, froh, wie seine Sonnen paraît facile comme il ne l'est jamais (on garde en oreille tellement de bons chanteurs qui braillèrent le si bémol comme ils purent). C'est prodigieusement lumineux, simple, léger, presque enfantin. Lui répondent le soprano avantageusement instrumental de Christiane Oelze, excellente musicienne, et le mezzo-soprano généreux et velouté de Petra Lang.

Paavo Järvi équilibre savamment le chœur Freude, schöner Götterfinken afin de profiter de l'écriture d'orchestre, ne laissant poindre la solennité qu'avec Seid umschlungen Millionen, dans une évidence recueillie menant tout naturellement à l'Adagio ma non troppo (mesure 627). Du cœur de la fugue suivante, il n'accentuera pas les entrées et contrepoints – le faudrait-il ? Oui, s'il s'agit de laisser entendre la redondance du texte ou de révéler pédagogiquement les ficelles de l'écriture, mais dans une optique expressive pure, avec tous ses mystères, l'option non accentuée s'impose. L'enregistrement s'achève après un quatuor vocal somptueusement dessiné par le mezzo et le ténor. On l'aura compris : une Anaclase ! n'était pas loin, mais impossible de faire abstraction d'un tel baryton. Dommage.

BB