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Chroniques
Ludwig van Beethoven
intégrale des quatuors à cordes (vol.2)
Acte II de cette intégrale des quatuors de Beethoven par les Belcea, faisant suite à la parution d'un premier coffret… [lire notre critique du CD] L'organisation des plages ne correspond pas à une présentation chronologique ; on ne s'en plaindra pas tant le propos est pertinent et permet d'explorer librement un corpus souvent galvaudé par une approche muséale qui le place sous verre parmi les chefs-d'œuvre intouchables.
Cette conclusion de cycle confirme les qualités de transparence et d'énergie qui font merveille dans ce répertoire, faisant mentir au passage Corneille et sa fable sur la valeur et le nombre des années. C'est au contraire une vision « de tête » – étonnamment mature quand on mesure l'expérience que d’ordinaire il faut pour parvenir à un tel niveau. Il convient de pénétrer dans ce coffret par le deuxième disque contenant les Quatuors en fa majeur Op.59 n°1 [n°7] et en mi mineur Op.59 n°2 [n°8]. Ces deux Razoumovski forment l'axe logique qui donne de cette interprétation la meilleure vision des angles et perspectives. La battue haletante des mouvements rapides y alterne avec une profondeur de champ inégalée dans les passages plus méditatifs. C'est, par exemple, le secret de ces vertiges de l'horizontalité dans le Poco adagio de Quatuor en mi bémol majeur Op.74 n°10, une façon très personnelle d'associer le legato à une tenue dense des valeurs longues, sans que jamais l'écoute ne se lasse. La palette dynamique est fort variée, sans recours à des éléments rubato qui la ferait sortir d'un cadre bien défini.
La justesse des intonations n'est jamais pointée comme élément suffisant et narcissique. La technique se plie constamment à l'expression, ce qui réussit tout particulièrement à la réussite des opus 132 et 135 (Quatuors n°15 et n°16), abordés à un degré de concentration qui n'a rien à envier à toutes les versions « historiques ». La Grande Fugue est jouée séparément de l'opus 130, ce qui permet de l'apprécier dans sa sauvagerie intrinsèque, avec une forme de rage expressive rarement entendue ailleurs. La libération de l'énergie se fait au prix d'une tension extrême dans la façon d'aborder le contrepoint, comme s'il s'agissait de briser des chaînes et de fuir au loin.
L'enregistrement est le résultat d'une série de concerts donnés au Studio Britten à Aldeburgh, fin 2012. La prise de son doit beaucoup au talent de John Fraser qui avait présidé chez EMI à leurs premiers enregistrements. Le résultat est une image sonore à la résonnance très naturelle, sans les traces habituelles d’un montage intempestif. Cette intégrale désormais complète se situe au sommet des propositions beethovéniennes de ces dix dernières années.
DV