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Chroniques
Ludwig van Beethoven
pièces pour violoncelle et piano
En 1796, au cours d'une tournée destinée à se faire connaître, Ludwig van Beethoven rencontre à Berlin le roi Frédéric-Guillaume, devant lequel il joue. Deux sonates pour violoncelle et piano Opus 5, récemment composées, furent dédiées au roi reconnaissant. Elles témoignent de la liberté que le compositeur souhaitait prendre pour rénover la forme traditionnelle de la sonate, de l'ampleur et de l'unité qu'il voulait lui donner. Les Douze Variations WoO 45 sur un thème de l'oratorio Judas Macchabeus de Händel datent de la même année, de même que les douze autres, en fa majeur Op.66, sur un air deLa Flûte Enchantée – Ein Mädchen oder Weibchen. Cet opéra inspira encore, en 1801, Sept Variations en mi bémol majeur WoO 46 sur le duo Bei Männern, welche Liebe fühlen. Le talent de Beethoven rendit sensible quelque chose qui eût pu n'être que décoratif.
L'Adagio sostenuto qui ouvre la Sonate Op.5 n°1 est introduit ici dans une délicate gravité. La sonorité du violoncelle deRoland Pidoux est profonde et discrète, présente sans se montrer.Jean-Claude Pennetier offre un piano très articulé, avec un aigu toujours moelleux qui rend hommage à Mozart et Haydn et souligne ce qui plus tard fascinera Schubert. Toutefois, le pianiste a le pied un peu lourd ; on aurait préféré un caractère un peu plus sec. Il réalise une ornementation fine sur la reprise du thème initial. On appréciera particulièrement l'absence derubati dans les fins de mouvements. Le Rondo est parfois brutal.
Le début de la Sonate Op.5 n°2 est saisissant, dans une lecture nue comme un désert, sans être austère, mais plutôt désolée. Le phrasé est exceptionnel, la sonorité très minutieusement équilibrée, malgré des aigus parfois maladroits au violoncelle. Le deuxième mouvement jouit de grands contrastes et d'une dynamique passionnante qui lui confèrent un caractère tant élégant que volontaire. Dans le Rondo final, le piano est joliment perlé, offrant des aigus précieux, et l'humeur générale est souriante et moqueuse, avec beaucoup de fraîcheur.
La Sonate Op.69 n°3 s'ouvre sur un Allegro retenu : Pidoux s'y avère à la fois tendre et majestueux, dans une sorte de calme qui inspire le respect. Le mouvement est une énigme, esquissant plusieurs faux départs sans jamais démarrer vraiment ; l'art de Beethoven sait surprendre tout du long. L'interprétation est pertinemment nuancée. Après un Scherzo enlevé, directement efficace, l'exquise tendresse de l'Adagio cantabile est bienvenue, avant d'enchaîner l'Allegro vivace dans la vélocité sans vague du piano, tout en douceur. Cette version est tout élégance.
Dans la Sonate Op.102 n°1, les interprètes de ce disque passent à côté de l'Andante qu'ils rendent chaotique, avec une partie Allegro vivace beaucoup trop lourde, alors qu'ils sauront atteindre un haut raffinement dans l'Adagio, développant une lancinante inquiétude, puis une partie centrale plus brillante. De même la Sonate Op.102 n°2, la dernière de l'auteur, est-elle très équilibrée, nourrie d'une tension assez féline. L'accentuation y est judicieusement leste. Le début du deuxième mouvement est une petite merveille à lui tout seul ! Le lyrisme n'y est jamais trop appuyé, et s'installe avec une évidence toute naturelle. Le violoncelle sait garder une certaine retenue qui le rend d'autant plus émouvant. L'enchaînement du dernier Allegro est fort élégant, avec un clavier un rien mordant. On remarquera le beau crescendo parfaitement maîtrisé dans une fugue pleine de rebondissements, où le piano, même au plus fort de la nuance, parvient à garder une certaine légèreté. C'est indéniablement le plus beau moment de ce disque.
Dans les trois séries deVariations, les interprètes font preuve d'humour, d'inventivité et d'esprit. Toutefois, Roland Pidoux accuse de fréquents soucis de justesse qui ternissent quelque peu la belle réussite de cette intégrale, par ailleurs fort honorable.
HK