Chroniques

par bertrand bolognesi

Ludwig van Beethoven
Sonates pour piano n°10 – n°17 – Symphonie n°7 (transcription)

1 CD Assai (2004)
222452
Ludwig van Beethoven | pièces pour piano

C'est un Beethoven posément distribué que présente le pianiste italien Giovanni Bellucci dans une captation live des plus enthousiasmantes. Loin de lui les effets de plus ou de moins, plus précisément les éblouissements ou les feutres de nombres de ses collègues : c'est avant tout l'équilibre qui prime ici, dans une expression toujours parfaitement dosée, ne boudant pas une certaine frivolité dans l'ornementation de la Sonate en sol majeur Op.14 n°2, par exemple. L'accentuation s'y avère toujours judicieuse, contrôlant les rebondissements de La Tempête avec une grande sagesse. Dans la première, il sait aimablement rendre un hommage discret à Mozart tout en préparant notre oreille à Schubert, et soigne un son étonnamment clair qui évite toute nébulosité romantique excessive, au risque par instant d'une relative sècheresse qui n'est certes pas pour nous déplaire. Non que son piano manque d'ampleur : il sait le débarrasser de ses propres scories au moment précis où nécessité risquerait de se faire sentir.

Pas plus d'ampoule dans son interprétation magnifiquement construite de la Sonate en ré mineur Op.31 n°2 : la Tempête est magistralement organisée par Beethoven lui-même, il paraîtra donc d'un goût excellent de ne pas en surcharger l'exécution par des effets personnels qui mènerait au chaos. Trop souvent, les pianistes confondent tempête et cataclysme : la lecture de Bellucci sait faire la différence, et n'invite à aucune apocalypse. Vue de l'esprit, s'inscrivant dans une esthétique d'une cohérence qu'il est toujours dangereux de vouloir bousculer, le sous-titre de cette sonate aura rarement été à l'opposé d'un programme que lors de ce concert. Et c'est bien ainsi !

C'est également par sa clarté que brille sa Symphonie en la majeur Op.92 n°7 qu'il joue dans la transcription de Liszt. Ce genre d'exercice ne saurait manquer d'imposer des choix personnels qui ne sont pas toujours des plus aisés à prendre. Faut-il rechercher un rendu orchestral proche de la version originale en excitant çà et là l'imagination sonore du public ? Faut-il tirer le jeu vers l'esthétique, ou tout au plus ses habitus connus, du compositeur transcripteur ? Ou encore tenter une rencontre idéale des deux artistes ? Ici, il semble que Giovanni Bellucci ait préféré témoigner de la nature pianistique possible de l'œuvre telle qu'a pu l'entrevoir Liszt, et c'est en quelque sorte un nouvel opus qu'il ajoute aux sonates. Pourquoi pas ? C'est, en tout cas, diablement dynamique d'un bout à l'autre, même si la couleur – et pour cause ! – demeure restreinte.

BB