Chroniques

par bertrand bolognesi

Ludwig van Beethoven
Rondo WoO 6 – Fantaisie chorale Op.80 – Triple concerto Op.56

1 CD Warner Classics (2005)
2564 60602-2
Ludwig van Beethoven | œuvres pour orchestre

Après une remarquable intégrale des concerti pour piano et orchestre de Ludwig van Beethoven, c'est sur trois autres œuvres concertantes que Pierre-Laurent Aimard penche son talent, une nouvelle fois sous la direction éclairée de Nikolaus Harnoncourt à la tête du Chamber Orchestra of Europe.

Le Rondo en si bémol majeur WoO 6 date des premières années viennoises du compositeur allemand ; on le suppose première mouture du final prévu pour le second concerto. Perdu, puis retrouvé en 1898, sa publication attendrait 1960. On découvre ici une page d'une grande élégance à l'ornementation délicieuse, sous les doigts délicat de Pierre-Laurent Aimard.

Souvent considéré comme le brouillon du final de la Neuvième, la Fantaisie Chorale Op.80 affirme une personnalité nettement différente. S'ouvrant par un large solo du piano, elle fait entrer petit à petit l'orchestre, puis le sextuor vocal, et enfin le chœur. Cet enregistrement permet d’entendre, sur l'Adagio initial, un piano étonnement clair, animé d'un jeu vigoureux, sans agressivité ni lourdeur. Pierre-Laurent Aimard s'y montre évidemment d'une précision absolu, tout en travaillant une sonorité savamment intériorisée et une dynamique dont l'extrême régularité sait créer une tension haletante. La seconde partie révèle beaucoup de raffinement dans la construction de l'orchestre, Harnoncourt accentuant à peine la marche avec un sens du relief infaillible. Le pianiste a recours alors à cette énergie extraordinaire qu'il déployait dans les concerti. La distribution vocale est soigneusement choisie, bénéficiant d'une unité de style et d'un équilibre de la couleur fort rares, principalement mozartiens. Les soprani Luba Orgonasova et Maria Haid, le mezzo Elisabeth von Magnus, les ténors Robert Fontane etDeon van der Walt ainsi que les barytonsRicardo Luna et Florian Boesch prêtent un concours idéal à une exécution extrêmement fine, véritable travail d'orfèvre, jusqu'à l'arrivée du chœur. Puis, avec l'entrée de l'Arnold Schönberg Chor, l'auditeur retrouvera ce qu'il est plus habituel d'entendre dans cette œuvre.

Deux solistes viennent rejoindre Pierre-Laurent Aimard pour une fort belle interprétation du Triple concerto en ut majeur Op.56. Dès l'Allegro, le pianiste ménage une sonorité discrète, ronde, sans perdre pour autant la fermeté de la frappe lorsqu'il le faut. Le trio réalise des échanges chambristes d'une finesse remarquable que Harnoncourt laisse sagement s'exprimer en toute quiétude, obtenant un équilibre précieux entre les solistes et l'orchestre, sans trop souligner la construction du mouvement. Sa lecture jouit d'une tonicité certaine, sans précipitation, mais qui va son cours. Thomas Zehetmair offre un violon moins simplement brillant que ce que l'on a tous en oreille, s'attelant à maintenir une suavité infinie et toute personnelle. Le violoncelle de Clemens Hagen chante magnifiquement dans le bref Largo central où l'on appréciera en particulier les interventions joliment colorées des bois. Le trio enchaîne avec délicatesse le Rondo, laissant une virtuosité partagée gagner petit à petit le devant de la scène, tout naturellement, avant de s'engager dans la jubilation parfaitement maîtrisée des dernières mesures. Cette version échappe totalement au lissage réducteur du son dont souffrent bien des disques produits ces derniers mois, et affirme une fascinante personnalité.

BB