Recherche
Chroniques
Marc-André Dalbavie
œuvres avec contre-ténor
Né en 1961, Marc André Dalbavie étudie au Conservatoire national supérieur de musique de Paris où il approche des maîtres tels Jolas, Ballif (analyse), Philippot (composition), Reibel (électroacoustique), Murail (informatique), Constant (orchestration) et Boulez (direction). Fort de cela, il enchaîne collaboration avec l’Ircam et résidences d’artiste (Rome, Cleveland, etc.), répondant à nombre de commandes pour l’orchestre, son médium préféré – Les miroirs transparents (1985), Color (2001), The rocks under the water (2002), etc. Soucieux d’en explorer les potentialités sans réserve, il y mêle souvent l’électronique ou encore la voix, comme c’est le cas des pièces ici réunies, antérieures aux opéras Gesualdo (Zürich, 2010) et Charlotte Salomon (Salzbourg, 2014) [lire notre chronique du 10 août 2014], qu’il joue à la tête de l’Orquestra Gulbenkian.
« Le sonnet a quelque chose dans sa forme […] qui convient au narcissisme. On s’y enferme, on s’y encoquille », constatait Guillevic (in Vivre en poésie, Le temps des cerises, 2007). Adolescent, Dalbavie est attiré par Char et Mallarmé mais aussi fasciné par les vers érotiques de Louise Labé (1524-1566), pleins de sentiments « imprévisibles, irrationnels, voire chaotiques » livrés dans un cadre formel contraignant, contradictoire. Pour les mettre en musique, il hésite longtemps sur la tessiture – celle d’une femme faisant pléonasme, celle d’un homme gommant la singularité féminine. Entendre un jour Philippe Jaroussky impose comme une évidence le choix d’un contre-ténor.
Sonnets est présentée le 6 mars 2008 par l’artiste qui reprend parfois ces six pièces enchaînées [lire notre chronique du 9 août 2014]. Bien qu’écrit presque sur mesure, le cycle doit, bien sûr, s’émanciper de ce que Dalbavie nomme « tutelle génétique ». Il gagne en « légèreté charnelle » à être interprété par un confrère, comme c’est le cas avec l’Ukrainien Youri Mynenko, familier d’Händel et Mozart [lire nos chroniques du 15 avril 2016 et du 27 mai 2011]. On aime sa voix tendrement vaillante dans une œuvre assez douce, hérissée d’accents exaltés.
Genre de bis à cette commande lyonnaise, Trois chansons populaires explore les sources qui conduisirent le père de Chouchou à ses Images pour orchestre. « D’autres compositeurs ont eu une influence capitale sur moi, explique Dalbavie, comme Bartók, Ligeti, Berio, Grisey, Reich… Mais d’une certaine manière, Debussy a forgé ma langue maternelle ». Très discrètement contemporaine, l’orchestration de ces airs connus prouve d’une solide maîtrise de questionneur de traditions [lire notre chronique du 11 août 2014].
Créé le 27 juillet 2000, Sextine-Cyclus (Minneapolis, 2000) est l’occasion pour Dalbavie de saluer le centenaire du Minnesota Orchestra, durant sa résidence. Là encore, c’est à l’occasion d’un récital que le compositeur imagine Jean-Paul Fouchécourt chanter des textes de troubadours. Trois auteurs sont du Sud de la France (Arnault Daniel, Peire d'Alvernhe, Guiraut de Bornelh), deux du Nord (Moniot d’Arras, Thibaut de Champagne) et un dernier d’Allemagne (Walther von der Vogelweide). La tranquillité et la simplicité du contre-ténor font le grand intérêt de pages qui rappellent le jeune Ravel et ses Chants traditionnels corses.
LB