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Chroniques
Marc Monnet
œuvres pour orchestre
Élève de Mauricio Kagel à la Musikhochschule de Cologne, Marc Monnet (né à Paris, en 1947) partage avec son professeur un regard critique sur l’Histoire de l’art et les œuvres qui la jalonnent. Il s’en amuse avant tout, comme le prouve nombre de titres à son catalogue, qui évoquent un accident de parcours, une contrariété : Patatras (1984), Chant fêlé (1996), Bosse, crâne rasé, nez crochu (2000), etc. S’il fallait trouver un dénominateur commun à des partitions qui développent, chacune, leur propre dialectique (exubérante, ironique, mais aussi austère et tragique), il serait à trouver dans l’inspiration d’un créateur qui explique : « chaque œuvre naît de la façon – singulière, donc non réplicable – dont le matériau s’organise à moi, la plupart du temps par à-coups, de manière discontinue. À chaque instant se pose la question : que faire de ce qui, incongru, survient ? » *
Corinne Schneider précise cette recherche dans la notice du présent programme. Loin des préoccupations sérielles et spectrales de la génération d’après-guerre, l’actuel directeur du Printemps des Arts de Monte-Carlo se nourrit du beau en général, réagissant aux chocs de la découverte d’Artaud, Cunningham, Godard ou Pennequin [lire notre entretien et notre critique du CD]. Renonçant aux complexités de l’avant-garde et aux contraintes de l’écriture pour elle-même, Monnet prône une liberté d’expérimenter avec fantaisie. « Le résultat peut être inconfortable pour le public car le compositeur ménage toujours l’inattendu et ne favorise jamais la répétition, ni même le repérage ou l’identification facile des matériaux ».
Rejeté car porteur de tradition, le terme concerto laisse place à celui de mouvement. Quelque temps après Mouvements, autres mouvements, que portait le corniste Jean-Christophe Vervoitte [lire notre chronique du 24 février 2006], Sans mouvement, sans monde (2010) est créé à Paris, avec Marc Coppey au violoncelle, Eliahu Inbal et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, commanditaire de l’œuvre. Il est repris un an plus tard dans le fief du second commanditaire, l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, avec Christian Arming à sa tête. C’est ce concert que nous entendons, passionnante tentative d’alléger la gravité prenante des toutes premières sections (on se croirait devant l’antre de Fafner…). On apprécie le contraste entre agitation colorée, piquée de timbres brillants, et dépouillement mystérieux, où gite une angoisse sourde, quand ce n’est pas une plaine infinie.
« J’ai envie de plaisir, d’élan, de quelque chose qui ne s’attend pas. Plus j’avance, plus j’ai envie d’être immoral », confiait Marc Monnet à la veille de créer Mouvements, Imprévus et… (2013), au festival Musica. D’un seul tenant, l’œuvre de vingt-cinq minutes place le violoniste Tedi Papavrami en avant d’un orchestre voulu « gros », le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, conduit par François-Xavier Roth. Les « autres machins » prévus à l’effectif sont toutes sortes d’appeaux sylvestres (lièvre, chevreuil, coq de bruyère, etc.). Au terme de l’écoute, on reste partagé entre l’étouffement né de la fébrilité du soliste, virtuose omniprésent, et la séduction de certains cahots et dénuements, plus à notre goût.
LB
* Une section du site personnel de Marc Monnet, Imaginarium, le montre sensible aux surprises du quotidien, qu’il s’empresse de photographier.