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Chroniques
Martin Matalon
œuvres variées
Le compositeur argentin Martin Matalon a produit des pièces pour petits effectifs dont certaines se trouvent regroupées sur le disque... de temps et de sable... paru ces derniers temps chez Accord / Una corda. On pourra tenter de décrire cette musique par la séduction avec laquelle elle sait s'emparer directement de l'écoute du public. Son écriture est savante sans en devenir hermétique, sa recherche toujours orientée par une volonté d'être perçue.
Par ordre chronologique, l'on pourra entendre Monedas de Hierro pour dix instruments et électronique, composé en 1993 à partir de La Rosa Profunda, une composante sonore que Matalon avait conçue pour une installation faisant partie de l'exposition L'Univers de Borges organisée alors par le Centre Pompidou. C'est la forme du labyrinthe, chère à Borges, qui a inspirée ce travail, ainsi que la version pour le concert gravé ici. Laissons parler l'auteur :
« ...quand j'ai composé Monades de Hierro, j'étais fasciné par la façon dont Borges traitait les petites formes. En transposant ce traitement dans le domaine de la composition, j'ai fait en sorte que chaque mouvement de l'œuvre présente une idée musicale de la manière la plus essentielle, sans aucune sorte de développement, de prolifération, de processus ou de répétition. Chacun de ces mouvements se veut une forme... »
L'ensemble Court-circuit donne une lecture précise autant que chatoyante de cette page, sous la direction attentive et soignée de Pierre-André Valade.
Las siete vidas de un gato fut écrit trois ans plus tard pour le film Un Chien andalou tourné par Luis Buñuel en 1927. Matalon a travaillé plusieurs fois pour le cinéma, commençant par une musique pour Metropolis de Fritz Lang en 1994 (création au Théâtre du Châtelet et gravée à l'Ircam). Sept vies d'un chat sont une première contribution à l'œuvre du grand cinéaste espagnol qu'il devait poursuivre en 2002 avec Scorpion illustrant L'Âge d'or. C'est une commande de Centre de Culture Contemporaine de Barcelone, écrite pour huit instruments et bande. Elle adopte le rythme visuel très rapide du film tout en cherchant à rendre compte d'un certain climat psychologique. « ... la crudité, l'ironie des images, leur irrationalité m'ont suggéré la matière musicale de la partition... » explique l'auteur. Dès les premières mesures, on sentira une vague danse se cacher derrière des moires timbriques savamment étudiées. Peu à peu, elle prendra le devant, au point d'un certain déchaînement. C'est l'ensembleIctus et Georges-Elie Octors qui défendent ici cette œuvre avec un engagement convainquant et une grande maestria.
En 1996, répondant à une commande de l'Octuor de violoncelles de Beauvais, Martin Matalon composait... del matiz al color..., s'ouvrant sur un rageur ostinato d'une grande violence que viendront ponctuer des plages en pizz' nettement plus calmes. Cette pièce, toute de contrastes, est remarquablement interprétée par ses commanditaires sur ce disque.
Créée en septembre 2000 par le pianiste Sergio Tiempo dans le cadre du festival Piano aux Jacobins à Toulouse qui l'avait commandée, Dos formas del tiempo est une œuvre en deux parties opposées pour piano solo. Elle s'ouvre par une sorte de trépidation rythmique infernale, ici magnifiquement articulée par le talentueux Dimitri Vassilakis tout à fait aguerri aux difficultés de ce répertoire qu'il honore depuis déjà quelques années au sein de l'EIC. La seconde pièce est plus mystérieuse et lyrique, par endroits proche de certains traits des dernières sonates de Scriabine. Le pianiste s'y montre excellent coloriste. On pourrait cependant imaginer une version plus aérée encore.
Enfin, Matalon composait Formas de arena en 2001, une pièce s'organisant en quatre brefs mouvements. C'est avant tout un travail de tramage entre trois protagonistes-instruments : la flûte, l'alto et la harpe. On reconnaît toutefois les traitements rythmiques chers à l'auteur. Nous entendons ici le Trio Nobis qui a gravé l'œuvre pour Maguelone. On se rapproche de l'univers des Trames commencées en 1997 et comptant à ce jour six numéros dont le plus récent sera créé par l'EIC en février 2004.
BB