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Chroniques
Michèle Friang
Pauline Viardot – au miroir de sa correspondance
Avec sa couleur de mezzo, tantôt soprano dramatique, voire colorature, Pauline Viardot (1821-1910) demeure une des légendes de l'art lyrique du XIXe siècle. La voix de la cantatrice n'a malheureusement pas été gravée, mais pour nous en faire une idée, il reste, parmi d'autres, le témoignage de Musset qui évoque la sensualité d'un « timbre clair, sonore, hardi, ce coup de gosier espagnol qui a quelque chose de si rude et de si doux à la fois, et qui produit sur nous une impression un peu analogue à la saveur d'un fruit sauvage ».
Après de longues recherches effectuées auprès de ses descendants, au miroir de sa correspondance (de nombreuses lettres sont encore inédites), Michèle Friang nous fait mieux connaître cette femme hors du commun. Car comment rester ordinaire quand on est la fille de Manuel Garcia – créateur d'Almaviva (Le Barbier de Séville) qui lui donne le goût des défis –, qu'on a pour sœur la Malibran, pour frère un baryton léger qui assimile ses rôles en trois jours et que l'on devient l'égérie de nombreux compositeurs ?
Après des débuts bruxellois, à l'âge de seize ans, Pauline va s'imposer sur les scènes mondiales avec souvent des raretés pour l'époque (Gluck, Händel) et se lier avec George Sand, Clara Schumann-Wieck, Julius Rietz qu'elle prend pour confident et Ivan Tourgueniev sans doute pour amant. Meyerbeer confie son émotion après la création du Prophète et Gounod, au moment de Sapho, ses affres de créateur mêlées à des déclarations ambiguës. Les ennemis ne manquent pas non plus, puisqu'on vise souvent à travers elle son mari républicain, la rendant amère, comme dans cette lettre d'octobre 1858 :
« Il m'est impossible de faire du bon travail à Paris ; je devrais chanter joliment de la mauvaise musique (je hais le joli dans l'art), et je devrais faire autre chose que les femmes honnêtes ne doivent pas faire. [...]Tout ici est fait par protection, malheur à celui qui doit la mendier, il doit payer avec l'honneur ces faveurs ».
Mère de futurs musiciens, pianiste, enseignante, Pauline Viardot vit effectivement pour la bonne musique, revenant sur sa première opinion de l'œuvre de Wagner ou rejetant l'usage de changer les ouvrages traduits et de l'apprentissage à base de vocalises. Jusqu'au bout, elle va au théâtre et au concert, avant de s'éteindre – nous dit l'auteur –, le sourire aux lèvres.
LB