Chroniques

par laurent bergnach

Michael Tippett
King Priam | Roi Priam

1 DVD Arthaus Musik (2007)
102 087
Michael Tippett | King Priam

Compositeur britannique ayant fréquenté Marlborough College et le Royal College of Music de Londres, Michael Kemp Tippett (1905-1998) commence sa carrière musicale par la direction d'orchestres locaux, dans la région du Surrey. Son approche de la composition avec Ralph Vaughan Williams puis avec Reginald Owen Morris (l'étude du contrepoint) trouve en lui un créateur très critique – il détruit ce qu'il a écrit avant trente ans – et peu prolixe – cinq opéras, quatre symphonies, cinq quatuors à cordes, quatre concertos et quelques compositions chorales. S'étendant sur une soixantaine d'années, son œuvre est généralement divisée en quatre périodes : la première caractérisée par une énergie contrapuntique ainsi que par des mouvements lyriques et lents (1935-1947), la seconde signalée par une texture orchestrale riche et mélodique (jusqu'à la fin des années cinquante), la troisième contraste avec les précédentes par la simplicité de la texture et des phrases abruptes (jusqu'à la fin des années soixante-dix), enfin, la quatrième combine les précédents styles, ne rechignant pas à citer Beethoven ou Moussorgski.

En 1957, la Fondation Koussevitzky de Washington commande à Tippett une composition d'une demi-heure pour chœur et orchestre, qui l'amène peu à peu à concevoir un opéra sur la mort du roi Priam, lors de la Guerre de Troie. Influencé par Jung, le musicien sélectionne différents épisodes de L'Illiade à partir desquels il thématise le problème des conséquences éthiques entraînées par certaines décisions (la survie du fils qu'il fallait sacrifier), puis, s'inspirant de Brecht, relie des scènes dramatiques assez brèves par différents intermèdes ayant une fonction narrative et explicative. Rappelant parfois Britten par l'usage des vents ou du chœur – avec la défense de la marginalité et un pacifisme affiché comme points communs supplémentaires –, King Priam propose des couleurs agressives, dures et austères, à la frontière de l'atonalité. Le 29 mai 1962, l'opéra est présenté en avant-première dans la cathédrale reconstruite de Coventry.

Filmée en studio pour la télévision, jouée par Roger Norrington à la tête du Kent Opera Chorus and Orchestra, cette version rend plus intime encore les drames de chacun. On en oublie presque un canevas général familier, créant un improbable suspense dans un univers de murs et de gravats. Impliqués, les chanteurs ne déçoivent pas, en particulier Rodney Macann, baryton charnu incarnant le rôle-titre. Autour du corps de l'ennemi, un trio superbe le mesure à Omar Ebrahim (Hector robuste et ferme) et Howard Haskin (Paris vaillant). Face à Anne Mason (Helen au chant plein et évident), on découvre Janet Price (Hecuba, un rien acide) et Sarah Walker (Andromache élégante et gracieuse), Troyennes dont la féminité est ensevelie sous l'uniforme. Dans le camp adverse, accompagnée d'une discrète guitare, une scène unique rapproche Neil Jenkins (Achille clair et fiable, remarquablement nuancé et affiné dans ses voix mixtes) et John Hancorn (Patroclus, basse légère efficace). Haut accroché, l'Hermes de Christopher Gillett séduit également.

LB