Chroniques

par françois-xavier ajavon

Michael Tippett
Sonates pour piano n°1 – n°2 – n°3

1 CD Naxos (2005)
8.557611
Michael Tippett | Sonates pour piano n°1 – n°2 – n°3

Peter Donohoe, pianiste britannique de grand talent né en 1953, a été formé au Royal Northern College of music, puis à Paris auprès d'Yvonne Loriod et d'Olivier Messiaen. Comme de nombreux pianistes internationaux, sa carrière commence après avoir remporté le Concours Tchaïkovski de Moscou, en 1982. Familier de la musique britannique – il a d'ailleurs enregistré des œuvres d'Arthur Bliss, Thomas Baron Pitfield et Howard Ferguson –, Donohoe s'attaque ici à la quasi intégralité des Sonates de Michaël Tippett (1905-1995), l'un des plus grands compositeurs de sa génération. Cet enregistrement utile et précieux arrive dix ans après un CD de référence, aujourd'hui épuisé, qui présentait le même programme par Nicholas Unwin (Chandos). D'autres versions existent, mais elles sont quasiment introuvables – Paul Crossley qui inclut utilement la Sonate n°4 (éditions CRD, 1994), d'autres versions de Crossley dans un coffret Tippett d'une demi-douzaine de disques (Decca, 2005), etc. –, ce qui fait de ce disque Naxos enregistré dans d'excellentes conditions acoustiques en 2004, un document irremplaçable.

Tippett semble aujourd'hui un peu négligé et ignoré des programmes des concerts parisiens et des festivals provinciaux branchés… Pourtant, l'autre compositeur britannique gay, à la sensibilité exacerbée, pacifiste (du pacifisme raisonnable de ceux qui ont subi deux guerres mondiales), au cœur à gauche (n'a-t-il pas créé la formation militante Orchestre des musiciens au chômage du sud de Londres ?), auteur d'un catalogue impressionnant, assez hétéroclite, regroupant des œuvres aussi différentes que des symphonies, des quatuors à cordes, de longs opéras (King Priam, Knot Garden, etc.) ainsi que quatre Sonates pour piano dont l'écriture s'étale de 1936 à 1984, a laissé une œuvre aux dimensions insoupçonnées.

En cinquante ans de vie et de carrière, Tippett revint donc à quatre reprises à la forme sonate, en faveur de son ami le piano. Ce disque Naxos nous en permet une approche cohérente et satisfaisante. Composée au milieu des années trente, la Sonate n°1 a été révisée par l'auteur en 1942, puis dans les années cinquante. Cet opus, en quatre mouvements, offre les contours les plus classiques. À sa création, un sous-titre le qualifiait de Fantasy Sonata et, de fait, l'œuvre est dominée par un certain optimiste, un esprit fantaisiste, capricieux et primesautier. On a souvent souligné des relents de gamelan balinais dans le Rondo final, qui n'est pas sans rappeler certaines œuvres postérieures de Britten.

La Sonate n°2 (1962) est une pièce courte (un peu plus de dix minutes), monolithique, austère et complexe, marquant l'influence de la musique nouvelle sur l'univers artistique de Tippett. On a parlé de l'influence de Stravinsky concernant cette pièce, mais il y a du Messiaen aussi. La pièce est composée de huit courts modules étrangement enchaînés qui parviennent à nous entraîner dans des contrées musicales plutôt arides. Avec sa Sonate n°3 (1973), Michaël Tippett en revient à la forme la plus classique (trois mouvements : Allegro, Lento, Allegro), mais lui insuffle une subversion syncopé qui a globalement assez mal vieilli, malgré – comme toujours – quelques passages d'une insoutenable émotion. Dans cette partition consistante, dense, et longue (près de vingt-cinq minutes), l'influence de l'univers beethovénien a été étrangement relevée par les musicologues. Un peu famélique, le livret est en anglais seulement.

FXA