Chroniques

par katy oberlé

Michel de La Barre
Suites et Sonates

1 coffret 2 CD INCISES (2021)
INC 004
L'Ensemble Tic-Toc-Choc joue les Suites de Michel de La Barre (ca.1675-1745)

Cinq musiciens constituent l’Ensemble Tic-Toc-Choc : le théorbiste, guitariste et luthiste Miguel Henry [lire nos chroniques du 30 août 2005, du 29 août 2006 et du 4 février 2016], la claveciniste Michèle Dévérité, le gambiste Emmanuel Balssa et les flûtistes Valérie Balssa et Jean-Pierre Nicolas, respectivement sur traverso et flûte à bec – autrement appelées flûte allemande et flûte douce. Il puise son nom dans le titre d’une pièce de François Couperin.

Quoi de plus naturel aux flûtistes que de célébrer Michel de La Barre (ca.1675-1745), musicien de la Chambre du Roi, collaborateur de Lully à l’Académie royale de musique (opéra), et premier flûtiste français à composer de nombreux livres pour l’instrument ? Avec ce coffret de deux CD, nous parcourons huit suites imaginées par cet ami d’Houdar de La Motte – le poète des opéras de Campra, Collasse, Cardinal Destouches, Dauvergne, Jacquet de La Guerre, Marais, Mondonville, Mouret, Racot de Grandval, Rameau et Rebel – qui lui dédiait une ode, en 1719, qui en célèbre le talent.

Michel de La Barre est, sans conteste, à la flûte traversière ce que Marin Marais est à la viole de gambe, comme l’ont déjà prouvé les gravures de Stephen Preston pour Astrée. La qualité de la prise de son réalisée par Franck Jaffrès et de sa restitution pour INCISES, nouveau label dont il est le cofondateur, transmet fidèlement cette complicité que l’on devine entre les deux flûtistes et tous les membres de Tic-Toc-Choc, à l’œuvre dans un répertoire encore mal connu dont on apprécie les splendeurs simples. Cela s’appelle du raffinement, c'est tout !

Aux couleurs surprenantes du Rigaudon charmant de la Première suite en ut mineur du Premier Livre de Trios pour les violons, flûtes et hautbois, répondent des tendresses dolentes, comme dans la Plainte de la Troisième Suite en si mineur du Troisième Livre de Trios pour les violons, flûtes et hautbois, mêlés de sonates pour la flûte traversière. On n’en finirait plus d’énumérer les caractères de tous les mouvements enregistrés… sans parler d’en détailler le parcours des affects changeants. Avec une science de chaque instant, un à-propos inventif qui fait la saveur de cet enregistrement, Valérie Balssa et Jean-Pierre Nicolas signent, avec leurs amis, un des plus beaux documents baroques. Avec un enthousiasme communicatif, l’écoute de cet album sous-titré Le merveilleux don d’attendrir a tant et si bien convaincu mes collègues que notre équipe lui décerne aujourd’hui une Anaclase! bien méritée. Bravo !

KO