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Chroniques
Mikhaïl Glinka
musique de chambre
Du compositeur russe Mikhaïl Ivanovitch Glinka (1804-1857), le public d'aujourd'hui connaît principalement deux opéras, Rouslan et Lioudmila [lire notre critique du CD] et Ivan Soussanine – devenu La vie pour le tsar [lire notre critique du CD]. Mais avant que de composer ces ouvrages que l'on considèrerait comme fondateurs de l'opéra russe, cet employé du ministère des transports les rêverait, entretenant ses chimères dans sa musique de chambre. Bénéficiant d'un héritage conséquent qui lui permit de quitter assez vite sa fonction, Glinka vit de ses rentes et partage son temps entre mondanités salonardes et voyages vers l'occident. Au début des années 1830, il cherche à confronter son art à ceux de l'Allemagne et de l'Italie, découvrant alors Bellini et Donizetti. À la fois conscient d'encore trop peu maîtriser la technique et sans doute intimidé par le brio rencontré chez les belcantistes, c'est plus modestement à la musique de chambre qu'il demande de traduire son enthousiasme.
Ce premier volume consacré à la production chambriste de Glinka illustre précisément cet aspect de son œuvre. On y écoutera une curieuse Sérénade sur des thèmes de « Anna Bolena » de Donizetti conçue pour alto, violoncelle, contrebasse, basson, cor, harpe et piano, un instrumentarium aux possibilités très riches que les interprètes mis en présence sur ce disque exploitent avec verve. De même le Divertimento brillant sur des thèmes de « La Somnambula » de Bellini ravira-t-elle les amateurs qui trouveront à chantonner librement sans qu'aucune Diva n’y trouve ombrage ! En réalité, l'intérêt n'est qu'anecdotique, mais c'est gentil. Les artistes jouent ces cinq brefs mouvements avec esprit et simplicité, dans une élégance facile et une sonorité polie.
En revanche, le Sextuor en mi bémol majeur (deux violons, alto, violoncelle, contrebasse et piano) prouve qu'en 1832 Glinka savait fort bien équilibrer son écriture. L'interprétation en est idéalement échangée, sans maniérisme suranné, dans une belle fermeté d'approche. Les dialogues y prennent un charme doucereux auquel vient s'opposer la jubilation du piano, dans une régularité jamais prise en faute. L'œuvre rappellera nettement Chopin écrivant sous l'influence admirative d'une représentation d'opéra italien. L'abord sensible des instrumentistes n'en exagèrent ni la dentelle ni le camée. Autour des pianistes Yves Henry pour les opus paraphraseurs et Kun-Woo Paik dans le Sextuor, l'on appréciera le jeu d'Alexandre Brussilovsky et Jeannie Wells-Yablonsky aux violons, de Zoltan Toth à l'alto, de Nathaniel Rosen au violoncelle, de Benjamin Berlioz à la contrebasse, d'André Cazalet au cor, d'Amaury Wallez au basson et de Frédérique Cambreling à la harpe.
AB