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Chroniques
Mildred Clary
Benjamin Britten ou le mythe de l'enfance
Né le jour de la Sainte-Cécile 1913, Benjamin Britten grandit sous la double influence de l'océan – « Ma vie d'enfant a été colorée par les tempêtes féroces qui faisaient échouer des navires sur notre côte, qui détruisaient aussi parfois des pans entiers des falaises voisines » – et de la musique – chanteuse amateur, sa mère interprète Bach, Händel, Mozart ainsi que des ayres anglais. Dernier d'une famille de quatre enfants, c'est à l'âge de dix-huit mois qu'il commence à grimper sur le tabouret de piano. Plus tard, outre cet instrument, il apprend l'alto avec Audrey Alston, puis la composition avec Franck Bridge. Trente-quatre ans séparent l'élève de son professeur, avec lequel « toute velléité de se montrer satisfait de soi était impitoyablement anéantie ». Grâce à lui, le jeune admirateur de Berg, Debussy, Ravel et Wagner découvre Holst, Stravinsky, Schönberg, etc. Mais d'autres compositeurs aident l'adolescent dans sa formation, tels Ralph Vaughan Williams et John Ireland. Ses goûts évoluent : il quitte Beethoven et Brahms pour Schubert, Mahler, Verdi. La musique anglaise ne l'impressionne guère. En 1932, après quantité d'œuvres juvéniles, la Sinfonietta voit le jour : c'est le premier opus d'un catalogue qui en comporte près d'une centaine.
Voici le début d'un parcours artistique que Mildred Clary souhaite faire partager en s'appuyant sur des documents authentiques : interviews, correspondance, archives, comptes rendus critiques, etc. Outre le journal intime tenu par l'intéressé de janvier 1928 à juin 1938, elle exploite les informations considérables recueillies à Aldeburgh en 1986, pour quinze heures d'émission sur France Musique. C'est pourquoi, enrichissant les renseignements purement musicaux – la collaboration cinématographique de 1936 à 1938, l'élaboration de nombreux opéras de chambre, l'exigence de chanteurs sachant jouer, la fascination pour la musique balinaise ainsi que pour le modèle Chostakovitch, etc. –, on trouve dans ces pages nombre de témoignages.
Famille et collaborateurs évoquent l'homme Britten, privé ou public : l'influence du poète Wystan H. Auden, la rencontre puis le rôle joué par Peter Pears, la vie communautaire, les phases dépressives, l'antimilitarisme, un charme irrésistible doublé d'un cœur de pierre... Si ce portrait ne dissimule pas le côté prédateur, voire opportuniste, lâche ou élitiste du compositeur disparut en 1976, il n'en reste pas moins un artiste exigeant – « La musique pour moi, c'est la précision » –, blessé souvent par les critiques, toujours perdu sans la présence d'enfants à ses côtés.
LB