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Chroniques
Modeste Moussorgski
Бори́с Годуно́в | Boris Godounov
En septembre - octobre 2004, le Gran Teatre de Liceu de Barcelone donnait Boris Godounov dans sa version originale en sept tableaux. Cette version de l'opéra le plus connu et le plus joué de Modeste Moussorgski (1839-1881) a été écrite en 1868-1869, alors que son auteur n'avait pas trente ans. Le livret reprend le récit éponyme que livra Alexandre Pouchkine en 1825, s'appuyant lui-même sur L'Histoire de l'Empire russe de Nikolaï Karamzine. Mais l'ouvrage déplût au Comité du théâtre musical du Théâtre Impérial, par son absence de grand rôle féminin et d'intrigue sentimentale, ainsi que par son contenu politique. Une seconde version avec prologue et en quatre actes vit le jour et fut présentée au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, du 27 janvier au 8 février 1874. Réorchestrée en 1896 puis en 1906-1908 par Rimski-Korsakov, cette ultime mouture est la plus connue du public. Heureusement, l'intérêt pour l'œuvre originale grandit, de sorte qu'elle fut présentée à Leningrad en 1928. Depuis, on la retrouve régulièrement, l'Acte polonais passé à la trappe.
Pour cette sombre histoire de pouvoir usurpé, Willy Decker a recours à peu d'accessoires : une chaise géante toute dorée, renversée au début et à la fin, et que le peuple souhaite remettre sur ses pieds ; une vingtaine de sièges pour la scène de l'auberge puis celle de l'assemblée de boyards ; des tableaux d'un visage d'enfant brandis comme des icônes par le chœur – par ailleurs vaillant, et très investi dramatiquement –, etc. Malheureusement, la sobriété du metteur en scène laisse peu de place à l'imagination du spectateur : après avoir représenté le meurtre du petit Dmitri, il abuse d'une présence récurrente du regard peint, au point de nous prendre pour des imbéciles et de friser le ridicule. Le chant et le jeu de Matti Salminen, excellents, suffisaient bien à traduire toute la culpabilité du tyran.
La distribution vocale sauve heureusement cette production. Hormis Pär Lindskog (Grigori) à l'aigu magnifique mais au chant peu stable et assez nasal, nous retrouvons des artistes fiables de la scène lyrique : Philip Langridge (Chouïski), Albert Schagidullin (Chtchelkalov), David Pittman-Jennings (Nikitich), etc. En Varlaam, Anatoly Kotcherga trouve un rôle à sa mesure. L'interprétation de l'Innocent par Alex Grigoriev est émouvante, et celle de Fiodor par un contre-ténor très sonore, Brian Asawa, s'avère une bonne surprise. Les rares rôles féminins ne déméritent pas. À la tête d'un orchestre très souple, Sebastian Weigle trouve tout de suite une profondeur à sa lecture.
SM