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Chroniques
Nicole Wild
Dictionnaire des théâtres parisiens (1807-1914)
Diplômée en orgue, en histoire de la musique et en musicologie, Nicole Wild obtient un doctorat d’État de l’université Paris IV-Sorbonne avec une thèse portant sur les théâtres parisiens face au pouvoir (1807-1864). En 1989, cette ancienne conservatrice en chef à la bibliothèque-musée de l’Opéra fait paraître un ouvrage qui témoigne de sa spécialisation : le Dictionnaire des théâtres parisiens au XIXe siècle, dont le musicologue Joël-Marie Fauquet rappelle qu’il « permettait pour la première fois de disposer pour chaque salle de spectacle, qu’elle soit prestigieuse ou modeste, d’une notice détaillée sur son origine, ses changements d’affectation, son personnel artistique, son type de production, son régime de fonctionnement ». Grâce à son auteure, ajoute-t-il, « un seul livre peut parfois remplacer une bibliothèque »…
Réédité, remanié, complété et élargi, ce dictionnaire prend en compte désormais un début de siècle qui voit l’émergence symboliste et naturaliste, alors même qu’on inaugure le Palais Garnier (1875) et le Théâtre des Champs-Élysées (1913). Avant l’Inventaire proprement dit et son annexe qui résume de façon chronologique les ouvertures de salles – lesquels ne se limitent pas au lyrique : salle dépendant d’un bazar (Bonne-Nouvelle), théâtre de quartier (Bouffes-du-Nord), spectacle de curiosité (Bouffes-Parisiens), café-concert (Casino de Paris), cabaret (Chat-Noir), théâtre « toléré » (Délassements-Comiques), etc. –, une introduction rappelle combien « cette machine à fabriquer de la fiction qu’est le théâtre » dépend de la dynamique sociale.
Deux actes politiques sont en cela primordiaux : les décrets de 1807 et de 1864. Au XVIIIe siècle, les petits spectacles populaires (foire, lieux de rencontre, etc.) tentent d’émerger en marge des théâtres contrôlés par le pouvoir royal. La Révolution – nous l’évoquions en amont d’un Koukourgi cherubinien [lire notre critique du DVD] – bouleverse tout en 1791. On libère la parole, le geste et la musique, mais avec une prudence grandissante, jusqu’au décret signé par le dictateur Napoléon en juillet 1807, visant à réduire le nombre des lieux dévolus au spectacle – seuls quatre « grands théâtres » sont subventionnés par l’État et les éventuels concurrents (comme celui de la Porte-Saint-Martin, avec ses ballets) sont conduits à fermer.
Sur les pas de la Révolution, la Monarchie de Juillet (1830-1848) se montre ouverte au renouveau du théâtre mais s’inquiète vite de la prolifération des licences. On rétablit donc la censure napoléonienne (1835) tout en autorisant certaines entreprises – Théâtre de la Renaissance (1838), Théâtre-Historique, Opéra-National (1847), etc. Les travaux du préfet Haussmann modifient également la géographie culturelle de la capitale. Pour redonner une liberté relative à la création musicale inféodée au genre du théâtre, il faut attendre le décret signé par Napoléon III en janvier 1864, lequel permet à chacun de faire construire et d’exploiter un théâtre, et à chaque ouvrage dramatique d’être « sur tous les théâtres ». Pour le plus grand plaisir de tous.
LB