Chroniques

par laurent bergnach

Notes interdites
un portrait de Guennadi Rojdestvenski

1 DVD Idéale Audience Internationale (2007)
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un portrait de Guennadi Rojdestvenski

Deux films de Bruno Monsaingeon composent ce précieux document : Notes interdites, lequel examine un pan important de l'histoire de l'Union soviétique à travers sa vie musicale, et Guennadi Rojdestvenski, profession chef d'orchestre, un reportage sur l'art du directeur artistique. Né en 1931, ce dernier a inscrit, depuis son début de carrière dans les années cinquante, plus de deux mille œuvres à son répertoire. À l'inverse de ce qu'on rencontre fréquemment dans le reportage historique, le réalisateur n'a pas souhaité une profusion de témoins : plutôt qu'entretenir l'illusion que « d'un prisme d'opinions divergentes surgit la vérité », le parcours et la parole de Rojdestvenski (coincé entre engagement artistique et implication dans une organisation administrative) ont paru à Monsaingeon refléter davantage le règne douloureux de Staline, comme celui de ses suiveurs qui ont cadenassé les musiciens durant des décennies – toujours avec le concours de Tikhon Khrennikov, Secrétaire Général de l'Union des Compositeurs de 1948 à 1992.

S'appuyant sur des faits non contestables, le chef apparaît livre en main, citant un extrait d'une biographie ou des interventions publiques consignées. Également interrogé, l'altiste et chef d'orchestre Rudolf Barchaï (né en 1924) n'use quant à lui que de souvenirs, mais le résultat est le même : chacun évoque une révolution apparemment ouverte qui encourage une musique entrainante et lumineuse à l'image du réalisme socialiste, avant d'imposer la censure – la chasse à la dissonance – et la peur. Au milieu des scènes de ville et de champs, on croise les visages et les doigts de Dmitri Chostakovitch, Igor Stravinsky, David Oïstrakh, Viktoria Postnikova, Mstislav Rostropovitch, etc.

« J'étudie la partition avec les yeux. Tant que je ne l'ai pas toute entière dans la tête, pas question de commencer les répétitions. » Rojdestvenski est un professionnel de la direction et le revendique : n'importe quel bon musicien ne peut, comme lui, juger d'un orchestre en moins de dix minutes ou remplacer par des mouvements de bras le rayonnement nécessaire à maintenir l'attention du groupe. Certes, le métier ne s'enseigne pas, mais les images nous le montrent donner des conseils à des confrères en herbe, ce qui – en plus des extraits où on le voit diriger, de façon détendue, Tchaïkovski, Bartók ou Chostakovitch, plus l'intégralité de la suite orchestrale Les Âmes mortes de Schnittke et la cantate Zdravista de Prokofiev – prouve que rigueur artistique peut rimer avec bienveillance.

Signalons que le premier documentaire sera projeté à la Cité de la Musique (Paris) le 1er mars prochain, à 15h, à l'occasion d'un forum Musique et communisme. Monsaingeon participera à une table ronde avec les musicologues Pascal Huynh et Frans C. Lemaire, en prélude à deux concerts (17h30 et 20h) où seront joués Denisov, Chostakovitch, Schnittke, et Goubaïdoulina. Quant à l'Association Internationale Dimitri Chostakovitch, son concert annuel, le 8 mars, permettra d'entendre le violoncelliste Alexander Ivashkin accompagné de la pianiste Irina Schnittke, veuve du compositeur.

LB