Chroniques

par bertrand bolognesi

Olivier Messiaen
Des canyons aux étoiles…

2 CD Deutsche Grammophon (2002)
471 617-2
Olivier Messiaen | Des canyons aux étoiles…

« Nous devons aller à Bryce Canyon ! » Ainsi commence la genèse de cette partition, en 1970. Alice Tully commande à Messiaen une pièce d'orchestre sur l'Amérique ; il choisit de se concentrer sur ce que sa nature a formé de plus spectaculaire, et part en voyage avec Yvonne Loriod qui l'aidera à noter et enregistrer des chants d'oiseaux locaux, tandis qu'il repère des jeux de couleurs, entre orangé et violet, auxquels son œuvre rendra hommage. La commande est contraignante : elle doit être créée dans une salle qui n'autorise pas un vaste orchestre ; aussi le compositeur décide-t-il de construire une architecture d'échanges solistes entre bois, cuivres, piano, cor solo, géophone, éoliphone, groupe de cordes réduit et grand jeu de percussion. Le résultat sera une pièce en douze mouvements formant trois parties distinctes, ainsi qu’une tentative pour l’auteur :

« …m'élever des profondeurs des canyons jusqu'à la beauté des étoiles… Parti des canyons, étant monté jusqu'aux étoiles, je n'avais qu'à continuer pour m'élever jusqu'à Dieu. Mon œuvre est donc à la fois géologique, ornithologique, astronomique et théologique. Malgré l'importance de la couleur et des oiseaux, c'est une œuvre avant tout religieuse, faite de louange et de contemplation… » (in Permanences d'Olivier Messiaen, Actes Sud, 1999 – propos recueillis par Claude Samuel).

L'enregistrement de l'Orchestre Philharmonique de Radio France est idéal, et l'on aurait tendance à lui accorder priorité sur les productions anciennes. On se souvient du très beau travail d’Esa-Pekka Salonen, d'une grande clarté d'expression, et du triste essai plus récent de Reinbert de Leeuw qui ne convainquit personne. Aujourd'hui, Myung-Whun Chung propose une lecture très contrastée, sachant ménager des moments recueillis ou méditatifs qui osent jouer avec le silence, et des passages d'une énergie explosive. Avec Roger Muraro au piano, parfaitement aguerri à ce répertoire, Il signe là un disque de référence qui vient compléter ce qui ressemble bien à une intégrale Messiaen (Éclairs sur l'Au-delà..., Concert à Quatre, Transfiguration de Notre Seigneur, Turangalîla-Symphonie).

BB