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Chroniques
Othmar Schoeck
Elegie Op.36
L'œuvre immense du compositeur suisse Othmar Schoeck (1886-1957) demeure encore méconnue. Passionné par la voix, il a cependant écrit rien moins que quatre centaines de mélodies, entre autres. Personnage plutôt discret et s'exprimant dans une esthétique moins radicale que celle de ses contemporains, la manière de Schoeck pourrait être rapprochée de celle de Franz Schreker, sans l'orgiaste démesure qu'on lui connaît, avec un parfum zemlinskien assez frappant. Tout comme le Viennois, il ne se risquerait jamais à abandonner vraiment le système tonal, tout en sachant s'avancer vers des terrains non conventionnels.
L'Ensemble Mutare, fondé il y a vingt ans, a enregistré ce disque consacré au premier grand cycle de Lieder de Schoeck, l'Elegie Op.36 pour baryton et orchestre de chambre, composé de 1921 à 1923 sur des poèmes de Lenau (pour trois quarts du cycle) et de Eichendorff ; c'est déjà dire la trace romantique qui habite l'œuvre, un romantisme toutefois déjà symboliste et d'une noire mélancolie. Si une déception amoureuse est à l'origine de l'œuvre, le contexte historique dans lequel elle a été composée interfère largement avec ce stimulus d'ordre privé. Car enfin, c'est du désastre que l'Europe vient de vivre que ces chants sont traversés, imprégnés d'une tradition vieillissante dont ils s'échappent grâce au raffinement d'une facture nouvelle et pudiquement inventive dans le traitement de l'orchestre. L'œuvre s'achève sur une calme contemplation qui semble cicatriser blessures et inquiétudes ; mais en général, l'univers de cette Elegie regroupant vingt-quatre chants s'avère sombre, et par moment angoissé.
Gerhard Müller-Hornbach conduit une lecture délicatement colorée, accompagnant avec soin le baryton Klaus Mertens, que l'on entend plus habituellement dans le répertoire baroque. Il offre ici une interprétation nuancée et sensible, dont l'expressivité est indéniablement la plus frappante qualité, servie par une ligne de chant toujours bien menée, malgré des graves parfois difficiles. À découvrir...
BB