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Chroniques
Othmar Schoeck
Penthesilea | Penthésilée
S'inspirant de la pièce qu'Heinrich von Kleist écrivait en 1808, le compositeur suisse Othmar Schoeck (1886-1957) signe en 1925 son quatrième opéra : Penthesilea. Créé en 1927 à l'Opéra de Dresde, l'ouvrage ne fut porté à la connaissance du public français qu'en 1998 par Friedemann Layer à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Montpellier. Pour l'enregistrement présent, Mario Venzago conduit ce drame étrange qui réinvente la mythologie dont la femme sort victorieuse.
À la tête du Sinfonieorchester Basel, choisissant de souligner la couleur radicalement expressionniste de la partition dès les premiers accents orchestraux, le chef révèle l'influence de l'époque de composition, l'œuvre se trouvant alors traversée des certaines traits communs à Richard Strauss – principalement celui d'Elektra, assez évidemment –, à Berg ou même à Weill, à la manière de ce que von Einem produirait une quinzaine d'années plus tard. On notera également une conception parfois fragmentaire qui n'est pas éloignée des opus weberniens, d'une certaine manière héritière de la faconde interrompue d'un Mahler.
L'interprétation se veut toute dévouée à la dramaturgie de Penthesilea dont le caractère épique fascine, pour ce live palpitant capté à Lucerne il y a sept ans. Venzago s'y montre vif-argent, contrastant lyrisme et violence, avec une théâtralité qui s'affirme de plus en plus au fil de l'exécution. Seules les interventions du Tschechischer Philharmonischer Chor Brünn font à peine pâlir l'ensemble, mais c'est moindre mal.
Car la distribution vocale reste de haute volée ! Le rôle de Prothoe bénéficie de l'aigu facile, de la puissance et du sprechgesang parfaitement géré de Renate Behle, celui de Diomedes du timbre séduisant de Stuart Kale, tandis queJames Johnson est un Achilles souple et toujours nuancé. Si Susanne Reinhard est une Meroe impressionnante dont le vocalité épanouie nous donne la chair de poule, Yvonne Naef campe somptueusement l'écrasant rôle-titre – certes, l'ouvrage en lui-même n'est pas bien long, mais la partie de Penthesilea, sans répit, demande une endurance notable. La couleur est diaboliquement chaude, l'aigu jouissif, le grave charnu et la phrase royalement menée.
AB