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Chroniques
ouvrage collectif
Théories de la composition musicale au XXe siècle – vol.1
« Paradoxalement, écrit Pierre-Laurent Aimard en introduction à ce volume, les musiques les plus récentes paraissent souvent, au public d’aujourd’hui, tout aussi éloignées que celles du Moyen Âge et de la Renaissance. Ce sont pourtant celles dont la connaissance est la plus aisée. Les témoins, pour la plupart, sont là ; la tradition d’interprétation est vivante. Mais la multiplication des langages, au cours du XXe siècle, a rendu délicate l’appropriation de leurs règles : les mêmes gestes, dans un langage de prime abord semblable, se révèlent parfois antinomiques ».
Connu pour son engagement dans la création [lire notre chronique du 24 septembre 2005], le pianiste résume bien l’égarement du mélomane confronté à des idiomes foisonnants comme jamais depuis le début du siècle dernier, qu’il ne sait pas toujours traduire. Heureusement, de même qu’avec patience et bienveillance on apprend le monde à un enfant, compositeurs, musicologues, critiques et passionnés sont là pour l’accompagner et lui expliquer ce qu’est l’art contemporain (comment, pourquoi). Ainsi, durant la dernière décennie, avons-nous pu évoquer, voire conseiller des ouvrages passionnants signés Millet (2004), Weid (2005), Boucourechliev (2006), Bras (2007) et Kosmicki (2012 et 2014), auteurs qui, par des chroniques régulières ou des livres ponctuels, ont fourni une boussole à l’égaré de bonne volonté.
Aujourd’hui, sous la direction de Nicolas Donin et Laurent Feneyrou, une soixantaine de spécialistes souhaitent présenter ce XXe siècle sous l’angle de la théorie compositionnelle, à savoir « l’exposé, l’explication ou l’interprétation d’un système régissant l’organisation d’œuvres ou de types d’œuvres musicales en les reliant à des principes ». Fait sans précédent dans l’histoire musicale, l’élaboration théorique et sa transmission (orale ou écrite) ont été intégrées en profondeur à l’activité pratique de composition, à laquelle – poursuivent Donin et Feneyrou – « elle a servi à la fois d’outil de consolidation (pour les techniques déjà expérimentées) et d’aiguillon prospectif (pour celles en devenir) ».
Cependant, il convient de mesurer le degré de pertinence théorique des discours que laisse l’avant-garde depuis plus d’un siècle. Si les sources étudiées ici ne se limitent pas aux seuls traités et articles polémiques (mais aussi aux œuvres, correspondances et entretiens), tout écrit de compositeur n’est pas forcément retenu (Monsieur Croche tient de la critique, le propos de Scelsi de la mystique et de l’esthétique, etc.). Avec regret, certains penseurs sont à peine évoqués (Hába, Pijper, Nørgård), en comparaison d’aucuns omniprésents hors leur chapitre monographique (Boulez, Cage, Stockhausen, Varèse). De même, les textes impliquant le mot et la scène ont été strictement tamisés.
Dans ces soixante-sept chapitres répartis en huit grandes sections nécessitant deux volumes, une place est bien sûr accordée aux défricheurs et visionnaires (les Viennois, les Russes et l’inattendu d’Indy), aux collectifs (Fluxus, École de New York, GRM), aux sériels (en Italie et en Suisse), aux spectraux, aux pionniers de la spatialisation et de l’électronique, comme aux porteurs de « nouveaux concepts » (Lachenmann, Grisey, Sciarrino, etc.). Nous ouvrirons bientôt le second volume...
LB