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ouvrage collectif
Pierre Boulez – catalogue d’exposition
Du 17 mars au 28 juin 2015, la Philharmonie de Paris présentait une fort belle exposition Pierre Boulez. De nombreux documents s’y trouvaient placés à disposition du public, sur les murs du Musée de la musique : des photographies du maître dont on célébrait alors le quatre-vingt-dixième anniversaire, et principalement celles des premiers temps, au moment de sa collaboration à l’aventure Renaud-Barrault et de l’épopée Domaine musical. Ainsi le suivait-on depuis la classe de Messiaen jusqu’à la création de Sur Incises, durant une cinquantaine d’années mises en images. Outre des lettres, des partitions annotées, des brouillons et des affiches de concert, on put y admirer aussi beaucoup d’œuvres plastiques, en rapport étroit avec l’univers du compositeur, signées Francis Bacon, Alexander Calder, Paul Cézanne, Willem De Kooning, Jean Dubuffet, Alberto Giacometti, Vassily Kandinsky, Paul Klee, André Masson, Juan Miró, Piet Mondrian, Vieira da Silva, Nicolas de Staël, Jean Tinguely, Raoul Ubac et Zao Wou-Ki, ainsi que les esquisses des architectes Frank Gehry et Christian de Portzamparc.
Comme il se doit, un catalogue fut édité, sous la responsabilité de Sarah Barbedette, curatrice de l’exposition, docteure en littérature française et littérature comparée, auteure de Poétique du concert, à la lumière du tableau de Nicolas de Staël (Fayard, 2014) – et, depuis l’événement, co-auteur (avec Mathias Auclair et Stéphane Barsacq) de Bakst, des Ballets russes à la haute couture (Albin Michel, 2016) en regard de l’exposition que l’Opéra national de Paris consacrait au peintre et décorateur russe (du 22 novembre 2016 au 4 mars 2017). Plus d’une vingtaine de plumes furent réunies pour l’occasion et signèrent quarante-et-un textes qui accompagne la visite livresque.
En ces temps où Pierre Boulez (1925-2016) nous manque décidément beaucoup, ne résistons pas au plaisir de feuilleter l’ouvrage, à la fois beau livre et contenu didactique au fil duquel retrouver le compositeur français sans conteste le plus déterminant du second XXe siècle (à partir de l’après-guerre, s’entend), mais encore le théoricien, le polémiste qui jamais n’hésita à transmettre une pensée radicale, évolutive – ses articles de la revue belge Polyphonie, dans les années cinquante, puis ses livres Penser la musique aujourd'hui (1963), Relevés d'apprenti (1966), Par volonté et par hasard (1975), etc. Le chef d’orchestre n’est pas en reste, bien sûr, et le pédagogue non plus – il enseigna à la Musik-Akademie de Bâle, aux Internationale Ferienkurse für Neue Musik de Darmstadt, à l’Harvard University, au Centre Acanthes, à l’Académie du Festival de Lucerne et au Collège de France (Invention, technique et langage en musique).
Avec une présentation concise mais souvent efficace des œuvres – on apprécie particulièrement celle que signe Tom Coult de Sur Incises, lumineuse ! –, on suit le parcours artistique, tandis que celui de Boulez organisateur (Domaine musical, Ensemble Intercontemporain), constructeur et inventeur d’institution (Ircam, Cité de la musique) est abordé avec une insistance salutaire à bousculer les idées reçues. Indispensable !
BB