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Philippe Boesmans – Un parcours dans la modernité
Du 18 au 23 juillet 2016, la Fondation des Treilles accueillit à Tourtour, dans le Var, un colloque en hommage à Philippe Boesmans (né à Tongres, en 1936), tout récemment octogénaire. Il s’agissait d’échanger autour d’un compositeur radicalement tourné vers l’opéra (depuis La Passion de Gilles, 1983) qui situe son œuvre, souvent qualifiée de postmoderne, à la frontière du démodé et du moderne. Sous la direction de Cécile Auzolle, agrégée de musique et docteur en philosophie, une quinzaine d’interventions furent ensuite réunies dans le présent ouvrage, conçu en quatre parties.
Le printemps de l’artiste occupe la première.
Élevé dans une famille petite-bourgeoise modérément catholique, Boesmans nourrit très tôt une révolte contre les incarnations du pouvoir. Son adolescence est marquée par des rechutes de tuberculose, mais aussi par la découverte de Wagner, grâce à la radio. C’est là qu’il va travailler au sortir du conservatoire de Liège, engagé au 3ème programme de la RTB pour faire du montage à partir de concerts européens (1961), puis pour accompagner de ses propres pastiches des émissions dramatiques. Le jeune contestataire s’ouvre à la littérature, au jazz, au marxisme militant... Parmi les ouvriers, il se sent avec les siens, même si leurs points d’intérêt diffèrent et qu’il ne conçoit pas de mettre son art au service des luttes populaires. Cécile Auzolle, Pierre Bartholomée, Guillaume Bourgeois et Philippe Dewolf mettent en lumière cette jeunesse fortifiante.
Pleine modernité ? Hors modernité ?...
La question de l’étiquette revient au seuil de la deuxième partie, laquelle analyse quelques œuvres de Boesmans dont Fanfare I et Fanfare II, avec ses contraintes physiques particulières imposées au pianiste comme à l’organiste. Détailler Yvonne, princesse de Bourgogne (2009) [lire notre chronique du 5 février 2009] met en évidence les « citations de style » égrainées par le musicien (baroque français, romantisme allemand, etc.). Un opéra plus ancien, Reigen (1993) [lire nos chroniques du 19 février 2009 et du 12 juin 2004], permet de suivre le créateur de son atelier jusqu’à la scène. Enfin, le pédagogue disponible est évoqué par un élève qui participa à la genèse d’Au monde (2014), soit Benoît Mernier, intervenant à la suite d’Yves Balmer, Sylvain Cambreling, Thomas Lacôte et Béatrice Ramaut-Chevassus.
D’autres proches témoignent ensuite, renseignant sur son travail pour le théâtre (musique de scène de L’annonce faite à Marie en 2001, en collaboration avec Fabrizio Cassol), pour le cinéma (Rendez-vous avec un ange de Sophie de Daruvar et Yves Thomas, sorti en 2011) ou sur celui d’incorporation de musiques additionnelles dans l’Acte III de Wintermärchen (1999), idéalement miroir de « la musique des jeunes du moment ». La traduction de la pièce de Strinberg, pour Julie (2005) [lire notre chronique du 12 janvier 2010], clôt cette troisième partie écrite par Martin Guerpin, Matthew Jocelyn, Julie Obert et Jérôme Rossi.
Quelques regards et points de vus agencent la fin de l’ouvrage, dont ceux de la presse galloise et néerlandophone recensés par Edward Campbell et Frederic Delmotte, mais surtout des anecdotes plus intimes, recueillies lors d’une table ronde aixoise du 20 juillet 2016. Parmi les six invités (Bernard Foccroulle, Patrick Davin, etc.), le pianiste David Lively clôt la question de la singularité de l’art boesmansien : « qualifier Philippe de postmoderne ? Je crois que c’est quelqu’un de plus subversif, très conscient de l’air du temps, qui s’en joue, qui se défend d’avoir une appartenance. Cette indépendance fait partie de notre liberté ».
LB