Chroniques

par laurent bergnach

ouvrage collectif
Au cœur de la création musicale

La Bibliothèque des Arts (2018) 184 pages
ISBN 978-2-88453-217-4
Myriam Tétaz-Gramegna recueille la parole d'une vingtaine de compositeurs

Née italienne dans un pays dont elle prit très jeune la nationalité, Myriam Tétaz-Gramegna n’est pas de ces finaudes, sans doute en quête de reconnaissance, qui se font passer pour musicologue. Elle assume d’être simple chroniqueuse musicale – en particulier pour le quotidien vaudois 24 heures, où elle officie jusqu'à sa retraite en 1996, ou pour la Revue musicale de Suisse romande –, ce qui se résume parfois à simplement recueillir et retranscrire la pensée d’un créateur (explorateur ?).

Notre consœur le démontre avec ce recueil regroupant une vingtaine d’artistes qui ont leurs racines en Extrême-Orient (Hosokawa, Takemitsu), Europe de l’Est (Denisov, Goubaïdoulina, Schnittke), Europe centrale (Ligeti, Lutosławski, Pärt, Penderecki), Europe de l’Ouest (Berio, Boulez, Dutilleux, Halffter, Henze, Huber, Menotti, Messiaen, Nono, Stockhausen), ou encore en Amérique du Nord (Cage, Carter) – est-il besoin de préciser combien d’entre eux marquèrent l’époque par leur travail et leur pensée ? Elle s’y fait discrète, gommant d’éventuelles questions pour n’apparaître que dans une rapide introduction qui rappelle le contexte de ces entretiens présentés par ordre chronologique. Consciente que les mots peuvent ouvrir l’écoute, Myriam Tétaz-Gramegna précise :

« les paroles de compositeurs réunies ici, si elles intéressent, amusent, étonnent, donnent plus encore – du moins c’est le but auquel aspire ce livre – l’envie d’écouter en connaissance de cause la musique d’un XXe siècle où les bouleversements politiques, les remises en question humaines et sociétales, les découvertes technologiques, dont l’électronique devenue instrument de musique, ont créé dans le monde de l’art des tensions et des impulsions passionnantes ».

Finalement, on parle peu d’électronique dans ces pages, puisque tous les intervenants, à l’exception d’Hosokawa, sont nés avant la Seconde Guerre mondiale. L’avant-garde, pour eux, c’est Darmstadt, souvent la cible de flèches acérées, et le positionnement face au sérialisme. En revanche, on y trouve des commentaires sur l’évolution personnelle et collective, le rôle de l’inspiration et de la foi religieuse, l’engagement politique et la résistance à la dictature, la place de l’artiste dans la communauté, etc. Nous sommes bien « au cœur de la création musicale » ! Laissons le mot de la fin à Boulez, toujours l’œil sur le futur, et pour cela souvent cité par ses confrères présents dans l’ouvrage : « plus on avancera dans la découverte de matériau nouveau, plus la pensée se libérera ».

LB