Chroniques

par laurent bergnach

ouvrage collectif
Lectures d'opéra

Christian Bourgois éditeur (2006) 226 pages
ISBN 2-267-01873-X
Lectures d'opéra, recueil de dix-sept textes de programmes parisiens

Pour le public lyrique, un programme d'opéra est l'occasion d'approfondir une œuvre grâce aux réflexions de musicologues et dramaturges émérites. Mais écrivains, romanciers et philosophes confondus se sont de tout temps exprimés sur la musique – Stendhal ou Nietzsche n'en sont que les plus connus. La variété des approches de ces Lectures d'opéra (issues des brochures de l'Opéra de Paris) a non seulement pour but de proposer des textes pertinents à un lectorat plus large, mais aussi l'avantage de laisser carte blanche à des commentateurs plus qu'à des analystes.

Ainsi, nous trouvons dans ces chapitres des éclairages d'ouvrages liés à des préoccupations propres à chacun des intervenants : Orphée et Eurydice par Sylvie Germain – « étonnante insolence des suppliants qui n'ont plus rien à risquer et à redouter, ayant déjà tout perdu » – ; Carmen par Clément Rosset – « on ne rejeta la musique de Bizet que parce qu'on était choqué par le livret » – ; Pelléas et Mélisande par Julia Kristeva – « à force de litotes et de pianissimi, le silence se fait infra- ou transmusical » – ; Dialogues des carmélites par Philippe Fénelon – « Poulenc s'y livre avec une objectivité significative pour aller à l'essentiel » – ; L'Italienne à Alger par François Reynaert – « la plus rossinienne de toutes les rossineries » – ; Norma par Hector Bianciotti – « chez Bellini, la mélodie semble toujours venir de plus haut que le compositeur » – ; L'Élixir d'amour par Vincent Borel – « le combat social provoque ces bluettes lyriques » – ; La Traviata par Etienne Barilier – « la musique nous le dit : ce sont ces deux hommes qui sont condamnés à la mort intérieur » – ; Tristan et Isolde par Michel Onfray – « Tristan surgit dans l'existence du compositeur parce que la figure de Don Juan travaille son âme » – ; La Chauve-souris par Elfriede Jelinek – « le présent EST le passé et, si personne ne veut en tirer les leçons, le passé reviendra constamment » – ; Wozzeck par Bernard Dufour – « quel homme un jour ne s'est pas abandonné à la déraison et à soi-même ? » – ; Ariane à Naxos par Martin Walser – « une sorte d'inéluctabilité naturelle de l'infidélité » – ; La Clémence de Titus par Max Genève – « Mozart est incapable, quand il accepte une commande, de ne pas s'y investir à fond » – ; Don Giovanni par Pierre Brévignon – « les affects sont livrés brut, d'une pureté minérale » – ; Così fan tutte par Jack-Alain Léger – « sa musique semble pressentir notre regret présent d'un monde disparu » – ; Rusalka par Václav Jamek – « une noirceur qu'on ne se serait jamais attendu à trouver chez Dvorák » – ; et enfin De la maison des morts par Catherine Lépront – « dans son opéra, Janácek fait entendre le bruit de ces chaînes ».

Regroupés en un volume de poche, les dix-sept textes sélectionnés par Gerard Mortier et Patrick Scemama (responsable du service édition) connaissent une seconde vie et pourront – ce qu'espère l'actuel directeur de la grande boutique – « donner au lecteur l'envie de franchir les portes d'un théâtre pour vérifier lui-même si ce qu'il a lu lui semble juste ou non ».

LB