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Chroniques
Pascal Dusapin
Sept études – À quia
Est-ce vraiment, comme il l'affirme, de n'avoir pas pu être pianiste ou organiste, que Pascal Dusapin s'est détourné longtemps de ce « drôle d'instrument au son ingrat » ? Le compositeur aura attendu la quarantaine pour livrer, suite à diverses commandes de festivals principalement, un cycle pour piano seul : Sept études. Ces pièces, écrites entre 1997 et 2001, sont dédiées à différents pianistes : Alain Planès, Mikhaïl Rudy, Vanessa Wagner et Ian Pace. C'est ce dernier – artiste anglais qui fut l'élève de György Sándor, familier des œuvres contemporaines – qui a créé le cycle désormais complet le 16 décembre 2002 au Théâtre des Bouffes du Nord.
Dusapin ne voit pas ce travail comme des études virtuoses ; ces formes assez indéfinies, aux durées diverses, sont pour lui de « réelles études de composition emboîtées les unes dans les autres, comme des poupées russes ». Ian Pace confirme cette vision, parlant de la qualité d'improvisation de l'ensemble, des textures complexes naissant de motifs simples. C'est sans doute ce qui donne à l'ensemble un caractère tantôt sombre – ce sont des « études de tristesse », dit leur créateur –, tantôt méditatif. L'auditeur retrouve ici certaines ambiances qui font penser à Satie et Debussy, avec un lyrisme teinté de désespoir. Ce travail sur une tessiture souvent restreinte peut lasser cependant. On y croise aussi certains passages de fureur (la quatrième Étude, qui s'apparente à une toccata, la sixième toute de frénésie et de turbulence).
Créé à Bonn le 7 septembre 2002 par l'Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach à sa tête et de nouveau Ian Pace, À quia est un concerto pour piano peu traditionnel. Commencé juste après les Études, entre juillet 2001 et février 2002, le mutisme est au centre de cette absence de dialogue entre l'orchestre et le soliste. À quia, c'est réduire l'autre au silence. Pour cela, l'orchestre a sa force. Il créé des tensions entre lui et l'instrument solitaire, mais s'épuise à s'emporter pour rien, se tait, revient à la charge comme un « gentil gros monstre tapi » (dixit son papa), devient silencieux car ne comprend pas ce que dit le piano ou le comprend trop bien, au contraire. Seul avec sa petite voix, le piano réagit en articulant sa pensée sur quatre ou cinq notes qui lui serviront de repères, ou encore change de registre (le passage dans l'aigu, dans le troisième mouvement) quand l'orchestre conserve sa position dominante.
Le troisième disque du coffret Naïve nous offre un DVD comportant deux reportages magnifiquement filmés par Michel Follin, d'une trentaine de minutes chacun, co-produit par Mezzo. Le premier est une répétition des Études aux Bouffes du Nord. Malgré sa centaine d'œuvres pour piano solo déjà créées, Ian Pace est un élève attentif, soucieux de coller à la pensée de Dusapin. Comme une valse, être complètement fou sur cette page, etc., sont donc pour lui de précieuses indications. Le second nous permet d'assister à une répétition d’À quia à la Salle Wagram – dommage que les interventions d'Eschenbach soient si rares –, et à l'explication de son concerto par le musicien. En supplément de ces Discours sur la musique, l'intégralité des Études n° 1 et n° 4 est proposée.
LB