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Chroniques
Patrice Royer
Leoš Janáček
Le 12 août 1928 dans sa maison de campagne de Hulvaldy, un village des Beskides, région située au nord-est de la Moravie, s'éteignait un grand maître à l'écriture tout à fait personnelle : Leoš Janáček, laissant un dernier opéra – dont on ignore s'il l'estimait lui-même réellement achevé –, De la maison des morts, d'après les récits de détention de Dostoïevski.
Durant cette saison, on pourra aisément fêter le cent-cinquantenaire de la naissance du compositeur (3 juillet 1854), grâce à une programmation qui lui fait honneur sur les scènes françaises : Jenůfa à Toulouse, Kátia Kabanová à Garnier, De la maison des morts à Bastille, et la venue à Lyon des trois productions de Glyndebourne, signées Nikolaus Lehnhoff : Kátia Kabanová, Jenůfa et Věc Makropulos.
Après la lecture récente du Dvořák : le génie d'un peuple de Guy Erismann, la biographie de Janáček que présente aujourd'hui Patrice Royer en poursuit assez logiquement les investigations, nous transportant à Brno, ville industrielle alors typiquement allemande de Moravie, dont la vie culturelle est plus tournée vers Vienne que vers Prague, et que la question de l'identité nationale tchèque ne touchera qu'en dernier lieu.
Cet ouvrage s'avère plutôt bien documenté, et se structure très clairement. On suivra les premiers pas de l'enfant Leoš jusqu'aux premiers billets du jeune critique Janáček, pour peu à peu rencontrer le musicien qui devait réaliser ses plus belles pages dans les onze dernières années de sa vie. L'auteur brosse les aléas d'une carrière difficile jalonnée de nombreux échecs, à travers un portrait dans lequel l'homme Janáček nous est montré sans complaisance, avec ses côtés peu gracieux, antipathiques et parfois tout à fait ingrats.
Toutefois, s'il réunit une bonne documentation, des présentations cohérentes des œuvres, dynamisées par une iconographie foisonnante, on ne retrouve pas dans ce livre l'efficacité du Borodine paru chez le même éditeur [lire notre critique de l'ouvrage] : le musicien tchèque ne nous est pas plus familier avant qu'après la lecture, et l'approche de sa musique ne s'en trouve guère éclairée. On en prendra donc connaissance principalement pour en recueillir les données, en passant sur un style maladroit qui interdit une lecture fluide.
Cette biographie ne saurait remplacer celle d'Erismann : Leoš Janáček ou la passion de la vérité, parue au Seuil il y a un peu plus de vingt ans.
BB