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Chroniques
Paul Le Flem
pièces avec piano
Né à la fin du XIXe siècle (1881), mort il y a juste vingt ans (1984), on ne peut pas dire que Paul Le Flem, malgré sa longue existence, soit le plus connu ou le plus joué des compositeurs français. Sa première période de création (1905-1914) a cependant été féconde. Puis, c'est une période de jachère d'une quinzaine d'années où, pour survivre dans un monde de guerre et d'après-guerre, il enchaîne les métiers alimentaires – critique musical, chef de chœur, etc. Une seconde période de création (1938-1976), moins impressionniste, est dévolue à des rythmes syncopés, à un langage plus orchestral. Un seul exemple : si sa Première Symphonie voit le jour en 1906, ses trois autres datent de 1956, 1970 et 1975. Son travail pour le piano appartient sans conteste à la première période.
Avril (1910) célèbre le renouveau de la nature, le printemps, la mer. Un thème de danse se superpose à un motif marin, proche en cela de plus d'une page de Debussy. La sonorité du piano deMarie-Catherine Girod est joliment claire et se colore délicatement, mais sans manières, dans la partie centrale. Dans Vieux calvaire de la même année, deux moments de calme encadrent l'expressivité d'un thème choral, évoquant recueillement et mysticisme. Cette pièce se livre moins facilement, et demande un travail d'interprétation plus subtil que la pianiste française assume sans faille.
Sept prières enfantines (1911) est un cycle de miniatures (Prière, Bastions de sable, Après gronderie, Chatteries, La vieille mendiante, La chapelle et Les bigoudens), aussi poétique que le second, Chant des genêts. La référence aux racines bretonnes du compositeur est là encore évidente (Entrée des binious, Vers le soir, Autour d'un conte, Pour bercer et Ronde). Si Prière charme par sa grande tendresse, Bastions de sable est gentiment scintillant, malgré un son parfois un peu dur. Quelque chose de Fauré et de Franck habite les Chatteries également proches de Satie. L'interprète l'aborde avec souplesse et douceur, au point qu'on peut en dire que ça ronronne ! À la plus austère Vieille mendiante succède une Chapelle très recueillie, dans une nuance recherchée. L'aphoristique évocation des Bigoudens laisse un sourire léger. Le deuxième cycle s'ouvre sur une élégante Entrée des binious et enchaîne avec le plus mystérieux Vers le soir, très secret, dans lequel Marie-Christine Girod entretient une réserve assez aride. Elle différentie somptueusement les plans sonores de Pour bercer, et termine cette promenade dans les sabots humides de la Ronde.
Par landes date de novembre 1907. Sa forme est proche du Lied et de la complainte populaire. Les arpèges donnent à l'œuvre un caractère brumeux tandis qu'un bruissement d'accords alternés évoque une énigme pleine de mélancolie. La pièce est ici jouée avec beaucoup de relief, dans une lumière toute debussyste, égrainant avec beaucoup de raffinement le lent motif répété de la fin. Dédiée comme l'œuvre précédente au pianiste Maurice Dumesnil, Par grèves est créée le 4 avril 1908. C'est une pièce au caractère expressif et chaleureux dont un des thèmes s'inspire d'une danse populaire.
Écrite de mars à septembre 1905, la Sonate pour piano et violon est dédiée à la mémoire des parents du compositeur. On y retrouve la prédilection de Le Flem pour les harmonies riches et sensuelles au contrepoint élaboré, les ruptures fréquentes et le caractère évolutif des thèmes. On peut trouver également une parenté avec d'autres compositeurs d'inspiration celtique, comme Delius, Ireland ou Bax. Après une introduction toute simple du piano, Annick Roussin entre dans le jeu d'un violon sensible et sensuel. Elle se montrera généreusement lyrique dans le second mouvement, suggérant une sorte de nonchalante mélancolie dans le troisième.
Cet enregistrement de 1993 remis sous presse aujourd'hui donne accès à des joyaux qu'on ne soupçonnait pas...
AB