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Dossier
Philippe Fénelon | Les rois
portrait du compositeur autour d’une œuvre
L’Opéra national de Bordeaux créera dans quelques jours Les rois, opéra de Philippe Fénelon, imaginé à partir d’une nouvelle de Julio Cortázar, dont la mise en scène est confiée à Yannis Kokkos. De ce compositeur à la vocalité prolixe, pour ainsi dire, nous souhaitions présenter le portrait : l’occasion est rêvée et la rencontre d’autant passionnante.
La voix occupe une place importante dans votre œuvre, qu’il s’agisse de pièces pour chœur, pour voix seule, pour voix soliste et ensemble, et bien sûr d’opéras ; elle vous accompagne depuis toujours. Y a-t-il chez vous une fascination particulière pour elle, ou peut-être pour la force du dire, son pouvoir de proclamation, de légitimation de la chose écrite ?
Il n’y a pas toujours eu la voix dans mon œuvre. Elle arrive assez tôt, c’est vrai, de même que l’intuition de réaliser quelque chose pour la scène. Dans les années 1975, j’étais occupé – pour ne pas dire enfermé ! – dans la musique aléatoire et les problématiques qui en découlent. J’écrivais alors des choses assez invraisemblables pour la voix, avec une surabondance de signes, d’indications, de difficulté, d’où une mise en danger de l’interprète et, du coup, une mise en danger de la musique elle-même. Lorsque la musique devient trop complexe, sa réalisation est fragile. Je me suis rendu compte que lorsqu’on veut faire passer cette manière vocale à la scène, on se trouve en butte à la difficulté que pose l’éloignement du public. Les subtilités qui se perçoivent dans la proximité de la musique de chambre risquent de se perdre à la scène. La complexité est d’autant moins réalisable à l’opéra. Il y eut une période avec moins ou pas du tout d’œuvres vocales. Puis j’ai vraiment réattaqué avec Du blanc le jour son espace en 1984 (pour baryton et ensemble instrumental) et avec mon premier opéra, Le chevalier imaginaire, le moment où je me suis dit : « là, il y a une bascule qui est en train de s’opérer, il faut que je me lance dans cette affaire de la scène et voir comment je peux la réaliser ». Je nourris en effet une grande passion pour la voix depuis toujours. Il y a l’opéra dans ma vie, j’ai chanté moi-même ; en tant que pianiste j’ai accompagné beaucoup de chanteurs, et donc lu énormément de partitions : j’ai eu ainsi une approche permanente de l’univers de la voix. Entre cette approche et la réalisation elle-même, il y a tout un monde. Entre la connaissance et l’écriture, le passage à l’acte est toujours compliqué et prend du temps. L’écriture vocale demeure l’expression la plus proche de l’humain, c’est pour ça qu’elle m’intéresse, d’abord physiquement. C’est à chaque fois différent : toutes les personnes ont une voix spécifique ; le système vocal de chacun reste un mystère. Comment arrive-t-on à exprimer les choses, pourquoi tel interprète est-il plus intéressant qu’un autre. En filigrane, des choses se passent sans que l’on sache dire précisément lesquelles : c’est ce qui est intéressant. Je travaille beaucoup avec les interprètes. Par exemple, pour la préparation des Rois à Bordeaux, je suis très présent. Je tente de les aider par mes indications à trouver un sens à l’expression de leurs personnages.
Le plus souvent, avez-vous écrit pour une personne précise ou sans savoir qui allait chanter ?
Tous les cas de figures se sont présentés. L’idéal est de travailler pour une personne : je l’ai fait pour Salammbô, mais hélas le soprano pour lequel j’avais travaillé n’a pas chanté le rôle, de sorte que je l’ai ensuite adapté pour sa remplaçante. Quand j’écrivis deux airs de concerts pour Nathalie Dessay – qu’elle n’a toujours pas créés, d’ailleurs, et qu’elle ne créera sans doute pas, je pense – on a beaucoup travaillé ensemble, car il est bon de confronter à l’interprète une première idée. On peut l’observer dans l’histoire de la musique, dans l’histoire de l’art en général : les interprètes ont toujours influencé les compositeurs. Je viens de rencontrer la gambiste Christine Plubeau avec laquelle on a créé mes Leçons de Ténèbres à Tourcoing : je vais vraisemblablement lui écrire une pièce de viole, car la rencontre avec elle, la découverte de ce que l’on peut obtenir de cet instrument qu’après tout je connais relativement mal, m’invitent à une réflexion sur l’écriture à partir de laquelle j’aimerais réaliser quelque chose.
Après Rilke, Flaubert, Cervantès ou Kafka, et aujourd’hui Cortázar, qu’est ce qui détermine chez vous du choix d’un texte pour l’élaboration d’une pièce vocale ou d’un ouvrage pour la scène ?
Le hasard, toujours le hasard. Je dis volontiers que j’ai une culture assez étendue, c’est-à-dire que tout m’intéresse, donc tout et rien : il n’y a pas de prédétermination dans mon comportement par rapport à l’écriture, à la lecture, à l’art, à la vie en général. Tout se fait par des rencontres, des rencontres humaines mais aussi d’objets : un livre sur lequel on tombe, un tableau, etc. Je ne me suis jamais dit : « Maintenant, tu vas lire tout Claudel ou tout Péguy pour telle ou telle raison ». En revanche, je suis sans cesse en train de feuilleter des choses, de lire des morceaux de ceci ou de cela. La vie elle-même est fragmentaire ! Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Rilke. Les choix sont déterminés par la vie quotidienne ; à partir du moment où on a la possibilité de rencontrer telle personne, tel livre, telle œuvre d’art ou tel spectacle, les choses évoluent. Je n’ai choisi ni Flaubert, ni Rilke ou Kafka : ils se sont imposés à moi, c’est venu comme ça. Par exemple, la première fois que j’ai entendu Pelléas, son langage m’est apparu comme fort éloigné de moi, je ne l’aimais pas, alors qu’aujourd’hui Pelléas est devenu une œuvre fétiche, avec Noces de Stravinsky, pour de toutes autres raisons. En ce qui concerne les sujets des livrets, on me dit souvent : « toujours les grands mythes, les grands auteurs ; pourquoi pas des textes contemporains, ou les journaux ? » ; d’une part les journaux ne m’intéressent pas du tout – c’est uniquement de l’information au quotidien avec laquelle je ne saurais absolument pas quoi faire –, et par ailleurs il n’y a pas beaucoup d’auteurs vivants avec lesquels avoir des affinités. Le vingtième siècle est riche de beaucoup de choses, mais dans ces trente dernières années, il n’a rien qui m’inspire. Par exemple, je ne pourrais pas, comme on me l’avait demandé, faire un opéra sur Belle du Seigneur : j’ai lu les soixante premières pages du livre et il m’est tombé des mains. J’aime mieux lire Racine que Sollers. Il y a des choses intéressantes chez les essayistes, comme Leiris, par exemple.
Comment s’est faite la rencontre avec le texte de Cortázar ?
J’avais idée d’écrire un opéra sur Télémaque, sur l’histoire de Thésée qui en est le centre. La femme de Cortázar m’a donné ce texte, il y a une vingtaine d’années. Ce sont des dialogues philosophiques qui m’ont parlé tout de suite. J’y retrouvais le thème du labyrinthe, qui m’est cher : j’étais évidemment sorti de la musique aléatoire, mais son caractère de quasi improvisation à partir d’éléments que l’on propose aux interprètes a bien quelque chose de labyrinthique ; on peut aussi admettre que la vie en général est un labyrinthe. Peut-être est-on toujours à la recherche d’un Minotaure poursuivi par un Thésée qu’on ignore. J’ai vu qu’on ne pouvait pas utiliser le texte tel quel. Je l’avais en partie intégré à ce Télémaque qui n’a pas vu le jour, puis je me suis vite rendu compte qu’en en faisant le centre de l’œuvre, j’avais à ajouter un début et une fin : or, il doit rester autonome, il ne fallait absolument pas toucher à son entité. J’ai commencé d’adapter, à partir de la version française, retravaillant le texte qui est tout de même, par endroits, assez abstrait, ce qui nécessitait d’élaguer, ou d’ajouter des personnages pour s’approcher le plus possible d’une dramaturgie efficace.
Quelles ont été les étapes de cette adaptation ? Il existe une version de 1988...
Non, ce n’est pas une version, en fait. J’ai écrit l’opéra pour la Biennale de Venise en 1988. On me l’avait alors demandé, sans contrat, en m’accordant une vraie carte blanche. Cette liberté m’a amené à concevoir une œuvre disproportionnée par rapport au budget de la Biennale. Je me suis donc retrouvé avec mon opéra sur les bras ! On a transformé cela en un joli concert à la Fenice. C’était sympathique, mais tout de même pas la même chose ! Dans ces cas-là, on n’arrive pas à placer l’œuvre ; il est impossible de la proposer à quelqu’un qui ne vous l’a pas demandée. J’ai rencontré Thierry Fouquet il y a sept ou huit ans, et lui ai parlé de l’opéra. Il était hors de question de le laisser en l’état, pour la simple raison qu’à l’époque j’écrivais avec cette complexe surabondance de signes totalement inefficace par rapport à la scène. Après l’expérience de Salammbô, je suis arrivé à la conclusion qu’il faut aller à l’efficacité, au plus clair, sinon l’on perd un temps précieux lors des répétitions pour des effets qui souvent n’en valent pas vraiment la peine. La dramaturgie n’a pas bougé, la structure est restée la même ou presque – elle s’est resserrée afin d’intensifier les évènements –, j’ai réécrit la partie vocale, simplifié l’orchestre. Tout cela a pris sept ans avant la réalisation : entre 1988 et la création à l’Opéra national de Bordeaux, seize ans auront passé. Remarquez, il y a des précédents dans l’histoire !
Quels types de vocalité rencontre-t-on dans Les rois ?
Il y a trois mondes, correspondant à trois actes : Minos, Ariane et Minotaure. Au premier acte, le monde de Minos est plutôt grave, tendu, lourd et questionnant. Celui d’Ariane est le monde de l’invention, puisqu’elle détient les secrets de Dédale, le créateur du labyrinthe : mouvementé, fouillé, véloce, évolutif, il occupe une demi-heure. Enfin, le monde du labyrinthe et du Minotaure est serein. L’expression vocale demeure relativement classique. Il fallait cependant trouver une manière de chanter différente pour Thésée qui n’habite pas le même monde que Minos. J’ai choisi une expression très volontaire de ténor qui vocalise beaucoup, avec une tension permanente dans la voix, créant ainsi un monde à part, étonnant. En général, il y a des caractères plus affirmés, avec des timbres particulièrement frappants. Par exemple, Minotaure est un baryton pourvu d’un beau timbre ; avec ce personnage, on aborde le thème du monstre, de celui qui est différent : ici, ce ne sera pas un monstre avec des cornes – c’est peut-être politiquement incorrect, mais j’ai choisi délibérément un chanteur noir avec un timbre intéressant.
Comment distribuez-vous les tessitures ?
Cela s’est fait en fonction du caractère expressif de chaque rôle. Thésée est le jeune conquérant, comme Siegfried, toujours volontaire : il était hors de question que ce soit une voix de basse, par exemple. Minos, c’est la lourdeur de l’autocratie, du monde du passé qui a peur de Minotaure : là, l’emploi d’une basse paraît évident. Minotaure possède une sorte de jeunesse, de fraîcheur et de placidité, or la voix de baryton est celle qui paraît la plus naturelle, de même que le violoncelle est l’instrument qui s’apparente le mieux à la voix humaine. Ariane est un soprano et Pasiphaé – mère d’Ariane par son union avec Minos et de Minotaure par son union avec le Taureau – est une colorature avec des contre-fa # – c’est une femme hystérique qui a couché avec le Taureau, dans un opéra très sexuel, en fait ! J’ai évité la caricature ; je reste dans des tessitures peut-être attendues, mais en tout cas crédibles, il me semble, de même que dans le Faust que j’écris en ce moment – une commande du Capitole de Toulouse – ces thèmes ne permettent pas que l’on traite les voix de façon dérisoire. Je ne vais pas faire chanter Faust par une colorature, Méphistophélès pas un contreténor ou Ariane par un travesti ; je n’ai pas envie de créer un décalage de lecture, car l’angle de lecture est déjà suffisamment original. Il faut comprendre et, à l’opéra, c’est difficile de comprendre différents niveaux de lecture. Au cinéma, c’est possible, mais pas à l’opéra.
En général, vous livrez une partition définitive, ou peut-il arriver que vous ayez à modifier certaines choses durant les répétitions ?
Ce n’est jamais définitif, non. Je travaille toujours avec les interprètes et, jusqu’au dernier moment, on peut modifier. Je ne touche pas à la structure, parce qu’en général on la domine. Parfois, des traits dans la vocalité gênent un chanteur pour des raisons qui lui sont propres. Par exemple, Minotaure m’a appelé avant-hier pour me dire : « À tel endroit, si je pouvais faire un do # plutôt qu’un do, ce serait mieux pour moi » ; j’ai accepté. Pour réaliser mon œuvre je ne travaille pas sur des grilles abstraites. Au contraire, le parcours s’autodétermine selon chaque ouvrage. On fait des erreurs sur les nuances ou les tempi qu’on indique souvent trop rapides, et lorsqu’il y a des voix, la vitesse comme l’équilibre peuvent se trouver troublés.
Lorsqu’on observe les indications de Répons, par exemple, Boulez demande 82 à la noire pour tel passage, lorsqu’il travaille encore à la table, et après la première répétition, on lit sur le manuscrit photocopié qu’il a changé pour un 46 à la noire ; c’est tout à fait différent ! On peut avoir eu une idée, et le moment de la réalisation montre qu’elle ne marche pas. Par ailleurs, je prépare beaucoup les interprètes à l’avance. Je sais qu’il y a des gens qui amènent une partition à laquelle on ne touche plus, mais je ne crois pas que cela puisse fonctionner de cette manière. C’est peut-être possible avec des partitions moins lourdes, mais dans un tel projet, on ne peut pas tout paramétrer à la virgule, au bémol ou au pianissimo près. C’est un travail de longue haleine, minutieux, avec des centaines de milliers de signes : c’est donc long à écrire. Parfois, certains moments peuvent être moins contrôlés que d’autres ; les répétitions permettent précisément de les revoir, de les solutionner.
Comment s’opère la réalisation qu’en fait Yannis Kokkos [photo] à Bordeaux ? Collaborez-vous ou préférez –vous ne pas intervenir ?
On a travaillé longtemps en amont, d’une façon un peu centripète, c'est-à-dire en allant vers l’œuvre. On ne part pas d’elle pour aller ailleurs, on l’approfondit toujours. Kokkos avait besoin de comprendre ce que j’y avais mis. Mais une mise en scène ne doit pas être la réalisation idéale de l’idée du compositeur. Je n’ai d’ailleurs jamais eu vraiment de vision idéale d’aucune de mes œuvres scéniques : tout dépend de la personne face à laquelle je me trouve. On a beaucoup travaillé sur le sens du texte, sur les relations des personnages, l’individualité de chacun d’eux, afin de créer des liens immédiatement repérables, sans qu’ils soient conventionnels. C’est un opéra où les relations sont complexes – entre le père et la fille, le père et Minotaure, et Thésée qui survient. Ces relations subtiles que l’on trouve dans le texte demandaient certains éclaircissements. Nous avons fait réaliser une partition pour piano, mais elle n’a pas servi à grand’chose. C’est plus dans ce que j’ai pu lui raconter que Yannis a réussi à imaginer son décor, puis à réaliser les déplacements et la vie des personnages. Je suis heureux : les chanteurs sont tous arrivés magnifiquement préparés, ils adorent l’œuvre, le chœur est très formé également, tout le monde est disponible, de sorte que ce sera une belle réalisation, j’en suis sûr. On sent lorsque ça va bien marcher ou non, vous savez. Ça plaira ou ça ne plaira pas, peu importe : il y aura toujours le même pourcentage de gens qui aimeront et qui n’aimeront pas Les rois, mais cela n’a aucune importance ! Les lectures d’orchestre commenceront dans une semaine. C’est Thomas Rösner qui dirige, un jeune chef formidable, d’une grande précision, qui se met toujours humblement au service de l’œuvre.
Quels sont vos projets ?
Cela fait assez longtemps qu’il n’y a pas eu de création au Capitole de Toulouse. Nicolas Joel m’a fait part de quelques-uns de ses désirs d’opéra. Le projet d’un Faust s’est peu à peu conçu. Je le rédige actuellement. La création se fera sans doute en avril 2006. Je suis invité au Festival de Besançon en 2004 et 2005 avec une résidence durant toute l’année pour faire, avec Michel des Borderies, toute la programmation artistique du festival. C’est une chose que l’on vient de boucler et qui sera bientôt annoncée : cette année, il y a deux de mes œuvres, mais je fais également venir une plasticienne, ce qui est une chose tout à fait nouvelle à Besançon. J’écrirai la pièce du concours 2005. Par ailleurs, j’ai du travail en cours avec TM+, Accentus, le Quatuor Ysaÿe qui va enregistrer mes quatre quatuors à cordes. Je termine également un film sur Leni Alexander, compositrice juive allemande qui a émigré au Chili en 1939, un film qui n’est pas un documentaire, mais une façon de parler d’elle, de moi, etc. J’en suis le réalisateur. C’est un gros travail. En ce moment, on achève le pré-montage, et j’espère qu’il pourra sortir à la rentrée. C’est une activité nouvelle : j’ai déjà réalisé un premier film sur un peintre, et il y a d’autres projets. Enfin, je prépare la publication de mes carnets que j’écris depuis trente ans. Je trouve intéressant de mettre à l’extérieur ce qui se passe dans la tête sans avoir forcément de jugement sur mes contemporains. Cela permet d’apporter des éclaircissements sur la manière dont un artiste réagit au monde qui l’entoure et aux œuvres à travers lesquelles il s’affronte, de proposer des éléments de biographie au parcours musical. Seul l’auteur peut dire comment ces choses se passent ; c’est donc bien qu’il le fasse parfois. J’ai beaucoup écrit pour les programmes de l’Opéra de Paris, et je viens de finir un texte pour celui de Capriccio. Je prépare également un texte pour le centenaire de Jolivet.
Pour revenir sur l’actualité récente, vos Leçons de Ténèbres ont été jouées à Tourcoing, avec celles de Charpentier. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
C’était extraordinaire ! L’alternance Charpentier-Fénelon a créé un monde qui marchait bien. Je connaissais, bien sûr, les Leçons de Charpentier. C’était intéressant de travailler sur une instrumentation très particulière – deux dessus, gambe, basse de viole, théorbe et clavecin avec trois voix – et la difficulté était d’écrire trois pièces d’une demi-heure avec ce matériau si délicat dans un style qui puisse se renouveler. J’ai concentré l’invention sur l’économie du matériau, comme je l’avais fait pour les Dix-huit madrigaux. La proximité avec Charpentier a donné quelque chose d’émouvant : mon langage y paraissait aussi nettement accessible que celui de Charpentier. Les gens ont été surpris de cette facilité d’accès. Il y eut des difficultés, une chanteuse a laissé tombé le projet en cours, ce qui est toujours assez éprouvant ; mais dès qu’on s’est trouvé à Tourcoing, ça s’est mis en place avec une sorte d’évidence et de magie – je ne sais pas pourquoi ! Je vais le redonner à Paris. C’était une belle expérience. J’ai connu ce type de croisement avec mes madrigaux et Monteverdi, que l’on va refaire bientôt avec Schumann.