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Chroniques
Philippe Olivier
Wagner – Manuel pratique à l'usage des mélomanes
Jacques Dubois est agent général d'une compagnie d'assurance et vit à Bar-sur-Seine, une localité de l'Aube. Il aime la musique depuis longtemps. À la suite de l'acquisition – par hasard – d'une compilation d'extraits orchestraux de Richard Wagner, il se sent des affinités considérables avec l'univers artistique de ce compositeur mais est confronté à quelques difficultés : comment s'initier sérieusement au maître quand on n'habite pas une grande ville ? Comment assister au festival de Bayreuth ?
Ainsi commence l'ouvrage de Philippe Olivier, actuellement l'un des meilleurs spécialistes internationaux du compositeur, auteur érudit qui à la délicatesse de s'adresser au néophyte dans un style simple. Au bout de quelques pages tenant du roman, notre wagnérien en herbe rencontre le Prof. Dr. Dr. Veit Nachtigal qui va l'initier à la richesse d'une vie et d'une œuvre. Une année de correspondance va donner naissance au présent guide, constitué d'une cinquantaine d'entrées classées par ordre alphabétique, prétexte à plus d'une anecdote savoureuse.
Dans ce Manuel pratique à l'usage des mélomanes couvrant des événements sur plus d'un siècle et demi, les considérations artistiques se mêlent à différentes histoires, quelles soient familiales, économiques ou politiques. En vrac, on y croise une Ouverture du Vaisseau fantôme arrangée pour orchestre militaire, les pâtisseries de Ruth Müller, un parfum et un service à thé Walkyrie, Anton Bruckner couvert de plâtre, une répétition pour la vente des saucisses, une cabale du Jockey Club, Cosima dissimulée dans un cagibi, Siegfried chanté en russe, les serviettes-éponge de James Levine, les bretelles de Hans Knappertsbusch, des nouveautés de Broadway données au Festspielhaus, des octogénaires venant dépanner en fosse, Wilhelm Furtwängler se séparant de sa secrétaire, le Lourdes du théâtre subsistant grâce à la vente de timbres-poste à l'effigie d'Hitler, les ordinateurs du Kartenbüro, Winifried cultivant des légumes, les vignettes publicitaires de la firme Liebig, Isolde intentant un procès à sa mère, le critique musical viennois Eduard Hanslick, un piano centenaire sauvé de l'oubli par Pierre Boulez, un cercueil sur une gondole, le futur Benoît XVI, la censure radiophonique, un acteur de films pornographiques, la faillite de la Deutsche Grammophon, Richard Strauss sur son lit de mort, Friedlinde prédisant la catastrophe du Reich, Maria Callas approchée par Wieland, les peintures au pochoir de Wahnfried, etc.
Armé pour affronter le prochain bicentenaire de la naissance de Richard Wagner (en 2013), Jacques Dubois peut désormais s'élancer sur des routes « pleines de bifurcations et de carrefours, dont les voies multiples révèlent toujours des paysages, des situations et des individus constamment nouveaux ». Quant au lecteur, il a fait le point de ses connaissances sur le compositeur et sur son héritage, grâce aux approches souvent originales d'un Prof. Dr. Dr. Nachtigal passionné, admirateur mais critique.
LB