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Chroniques
Pierre Boulez
trois sonates pour piano
S'il vous en souvient, nous saluions l’an passé l'étonnante prestation du jeune pianiste finlandais Paavali Jumppanen qui donnait à la Maison de la Radio les trois sonates de Pierre Boulez avec une maestria toute personnelle [lire notre chronique du 9 juin 2004]. Aujourd'hui, Deutsche Grammophon consacre un volume de sa collection 20/21 : music of our time à ce même programme, un disque qui nous permettra de partager plus durablement le plaisir que nous avions rencontré alors.
Écrite en 1946, la Sonate n°1 renonce à un lourd matériel pour mieux affirmer la personnalité du style, en un geste relativement bref où l'on reconnaît immédiatement Boulez, « bondissant comme un chat sauvage », comme le dirait Jean-Louis Barrault en ces années-là. Jumppanen s'applique à souligner discrètement une sorte de mélodisme, toute proportion gardée, dans une utilisation judicieuse de la pédale. Hommage à Beethoven, la Sonate n°2, composée en 1947-48, est la plus étendue de son auteur.
Plus austère que son aînée, elle est l'œuvre d'un musicien qui réfléchit désormais sur ce qui put lui être spontané quelques mois plus tôt. Le pianiste connut l'avantage de travailler cette partition extrêmement difficile, tant sur le plan technique qu'en ce qui concerne la pensée musicale, avec Boulez lui-même. Il semble que les éclaircissements qu'il put en obtenir ne l'empêchèrent pas de s'affranchir de l'influence du maître, présentant ici une interprétation qui, pour respectueuse et fidèle qu'elle soit, pourrait bien ouvrir la voie à une nouvelle génération de pianistes moins spécifiquement bouléziens.
Enfin, la Sonate n°3, prodigieusement conceptuelle, est la plus développée dans ses principes, sur une durée moyenne (une vingtaine de minutes) truffée d'événements. On a beaucoup parlé de forme ouverte, de jeux démultipliés, etc. ; Paavali Jumppanen évolue dans un chemin d'une perfection peut-être inachevable en usant d'une palette sonore extrêmement riche qui vient comme donner étrangement corps à l'œuvre et nous rappeler, si besoin était, que cette musique n'est jamais intellectualité pure.
BB