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Chroniques
Pierre Boulez
Sur Incises – Messagesquisse – Anthèmes 2
On saluera d'emblée l'heureuse idée de Deutsche Grammophon de se lancer dans une politique de réédition d'enregistrements de référence, particulièrement fêtés par la critique lors de leur première parution, critique grâce à laquelle ils purent arborer de prestigieuses distinctions internationales. Ainsi ce disque dédié à la musique de Pierre Boulez, publié une première fois il y a six ans, dans la précieuse collection 20/21, se trouve-t-il proposé aujourd'hui sous l'étiquette Grand Prix. On ne s'attardera pas sur cette page à resituer les trois œuvres présentes, partant que nous les avons déjà présentées de façon détaillées à l'occasion d'exécutions en concert ; aussi nous contenterons-nous de renvoyer le lecteur vers les commentaires concernés – Anthèmes 2 : programme Perspectives de la Cité de la musique [lire notre chronique du 16 mars 2003] ; Sur incises : concert zum 80. Geburstag à Berlin [lire notre chronique du 27 mars 2005] ainsi que l’analyse publique de l’œuvre pour la collection Juxtapositions [lire notre critique du DVD] –, et de l'inviter à lire attentivement le texte par lequel Wolfgang Fink (traduit par Hélène Ménissier) introduira son écoute de trois traitements originaux et différents des préoccupations liées à la spatialisation et à l'analyse autant qu'au développement du timbre par un seul et même compositeur.
La précision infaillible de la prise de son permettra d'aborder Sur Incises plus profondément qu'au concert, et de nourrir de ce fait la prochaine écoute qu'on en aura en salle. Au disque, les cloches, par exemple, sonnent comme jamais, et les harpes – Frédérique Cambreling, Sandrine Chatron et Marianne Le Mentec – se cisèlent dans une plastique presque palpable. Le relief des trois pianos, dont l'écriture virtuose continue de sauter aux oreilles – remarquables prestations de Dimitri Vassilakis, Florent Boffard et Hideki Nagano –, bénéficie d'un traitement extrêmement fidèle qui brille par l'efficacité de sa différenciation. Dans la seconde partie de la pièce, on goûtera avec plaisir les traits profus de percussion à claviers, confiés à Michel Cerutti, Vincent Bauer et Daniel Ciampolini. L'énergie de l'œuvre s'impose autant qu'elle fascine, jusqu'à l'étonnante dislocation finale.
Conçue dans les mêmes années que Sur Incises, la pièce pour violon et dispositif électronique en temps réel Anthèmes 2 demeure plutôt désavantagée par le disque, comparativement à l'effet qu'elle produit lorsqu'on l'entend en salle. On reprochera à cette gravure de ne pas restituer l'espace, de rendre cruellement étroite et mate la résonance, de sorte que l'auditeur candide ne saurait se faire une idée juste de l'œuvre. Hae-Sun Kang en livre une interprétation d'une exactitude acérée, elle qui créa Anthèmes 2 à Donaueschingen.
Enfin, d'une vingtaine d'années leur aînée, dédiée à Paul Sacher (de même que Sur Incises) et écrite à la demande de Mstislav Rostropovitch (qui ne la joua qu'une seule fois !), Messagesquisse déploie ses imitations sous l'archet volontiers incisif de Jean-Guihen Queyras et des jeunes gens de l'Ensemble de violoncelles de Paris, dans un ambitus dynamique impressionnant qui n'a d'égale que la tonicité générale de ce disque.
BB