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Chroniques
Pierre Boulez
Livre pour quatuor (version révisée)
En juillet 1949, Pierre Boulez n’a pas fêté son quart de siècle ni fait un tri définitif entre les œuvres qui resteraient à son catalogue – Douze notations, Première sonate (Paris, 1946), Sonatine (Bruxelles, 1947), Le visage nuptial (Paris, 1947) – et celles qui en disparaitraient – Trois psalmodies (Paris, 1945), Variations pour piano main gauche (1945). Il n’a pas encore remanié certaines pages – Le soleil des eaux (écrit en 1957, révisé trois fois jusqu’en 1965) –, ni fait évoluer certaines autres avant de les bannir – le Quatuor pour ondes Martenot, achevé en 1946 puis converti en Sonate pour deux pianos.
En revanche, il vient de mettre un point final au Livre pour quatuor qui l’occupe depuis seize mois. C’est une œuvre affranchie des schémas formels hérités de la tradition qui annonce, selon Jean-Louis Leleu, une volonté de synthèse « entre d’un côté les recherches menées par Messiaen dans le domaine du rythme, et de l’autre l’idée wébernienne d’une écriture polyphonique libérée de toute carrure et inscrite dans l’espace sonore que structure la seule échelle chromatique des douze notes, sans hiérarchie interne préalablement établie ».
Final ? Pas tout-à-fait, puisque le compositeur confie, cinquante ans après sa conception : « je me dis toujours qu’il faut que je le réécrive en entier » (in Le Monde de la musique n°241, mars 2000). La version complète des Arditti (Donaueschingen, 1985), après les créations partielles des Quatuors Marschner (1955), Hamann (1962) et Parrenin (1962), ne fut donc qu’une étape de cette pièce fréquemment adaptée par les interprètes « car son écriture souvent surchargée d’informations oscille du dépouillement volontiers austère à l’exubérance la plus proliférante » (Boulez).
Réputé injouable, le Livre pour quatuor est resté dans l’ombre de son rejeton, le Livre pour cordes (1968/1989). Mais la réécriture souhaitée a finalement lieu entre juillet 2011 et février 2013, lors de séances de travail bienveillantes accordées aux membres de Diotima. Tempi redéfinis, modes de jeu simplifiés, intervalles adoucis, etc. Voici donc une révision de l’œuvre, nouvelle, mais pas ultime, enregistrée quinze ans après celle des Parisii (Assai 222082) et suite aux concerts qui en distillaient les « chapitres » entre Beethoven et Schönberg [lire nos chroniques des 10 et 2 décembre, 25 et 19 novembre 2012].
Si l’on a plaisir à suivre le récit de ces échanges sympathiques et consciencieux qui souvent épuisaient les plus jeunes, au fil d’une notice très détaillée, on en a moins, en revanche, à l’écoute elle-même. Ce n’est pas l’œuvre qui est en cause, succession de mouvements « impressionnistes » ou plus expressifs, flirtant avec le lyrisme ou l’esprit, mais son interprétation qui paraît souvent sèche, voire aigrelette. En ce qui nous concerne, le raffinement annoncé par le violoniste Guillaume Latour appelait plus de sensualité.
LB