Chroniques

par stéphanie cariou

Piotr Illich Tchaïkovski
Евгений Онегин | Eugène Onéguine

1 DVD Warner Vision (2005) zones 2, 3, 4, 5
0630-14014-2
Piotr Illich Tchaïkovski | Eugène Onéguine

Il y a quelques années déjà, Graham Vick proposait une production plutôt classique d’Eugène Onéguine, l'opéra de Tchaïkovski, au prestigieux festival de Glyndebourne. L'œuvre étant un ensemble de tableaux, elle est présentée comme telle, chaque début de scène étant voilé par des rideaux transparents. Les décors sont donc simples : une toile représentant un ciel avec des couleurs d'après-midi de fin d'été – ces couleurs automnales pouvant aussi symboliser la fin d'autre chose que d'une saison –, avec les hautes herbes folles d'après la moisson pour le jardin des Larine, une chambre en bois garnie de quelques meubles pour la chambre de Tatiana, de grandes portes délimitant les salons où se déroule la fête d'anniversaire, une grange avec une meule de foin pour le duel. Enfin, le plancher sera remplacé par un dallage et les voiles diaphanes par de lourds rideaux de velours verts pour le bal chez Gremine, nous faisant passer de la simplicité campagnarde au luxe aristocratique et citadin. Ce bal est d'ailleurs ouvert par une chorégraphie parfois humoristique, de même qu'au début de la représentation les danses des paysans sont très bien imaginées.

Dans cette direction d'acteurs rigoureuse, chaque expression de visage, chaque geste a été soigné. Le duel se passe en dehors de la scène, donc se cache du regard du spectateur, ce qui la rend d'autant plus inquiétante. C'est le moment le plus douloureux de l'œuvre, et la délicatesse de cette option permet d'échapper à une lecture trop précise de cette mort.

Côté voix, Elena Prokina est une Tatiana merveilleuse, son soprano lyrique à la couleur évidemment russe servant le rôle de superbes nuances. Avec autant d'engagement et de précision, elle rend compte de la timidité de la jeune femme, puis de son émotion en écrivant la lettre, de sa détresse lors de la querelle et de son assurance apparente de princesse Gremine. Yvonne Minton a la voix fatiguée, ce qui n'empêche pas sa madame Larine d'être noble et maternelle. Louise Winter, Olga convaincante, ne possède pourtant pas le contralto ferme et grave que réclame le rôle. Celui de Ludmilla Filatova, sympathique nourrice, est bien timbré. Wojtek Drabowicz, belle voix chaleureuse, investit son Onéguine, arrogant et distant au début, carrément antipathique lors de son affrontement avec Lenski – sa grimace de dément ! Il l'est moins à la fin, et on le montre diminué avec des tempes grisonnantes, mais il est trop tard : on sait d'ailleurs que Tchaïkovski ne portait pas son personnage dans son cœur, alors qu'il se sentait proche de Lenski et de Tatiana. Martin Thompson, ténor lyrique convenant parfaitement à Lenski, incarne ce poète tourmenté qui avait la sympathie du compositeur. Signalons un Monsieur Triquet attachant – John Fryatt – et la basse Frode Olsen, Gremine majestueux.

Même si le London Philharmonic parait manquer de souplesse sous la battue d'Andrew Davis, cette captation est, dans l'ensemble, satisfaisante, avec un Chœur toujours conduit de manière vivante et qui joue avec brio chaque situation.

SC